Une solution low-cost pour convertir sa voiture en hybride rechargeable

Le Groupe GCK et sa filiale aixoise Solution F viennent de dévoiler Twin-E une technologie innovante pour transformer n’importe quelle voiture diesel ou essence en hybride rechargeable pour 2 à 4 fois moins cher que les autres solutions disponibles pour se déplacer « propre ». Le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, est venu découvrir ce système sur place et s’est engagé à tout faire pour faciliter les homologations et permettre d’adapter les aides de l’Etat à cette nouvelle possibilité

Economie

A l’heure où les zones à faibles émissions (ZFE) interdisent l’accès des centres-villes à un nombre croissant de véhicules à moteur thermique, de très nombreux professionnels et particuliers crient leur désarroi. Car remplacer une voiture ou un utilitaire essence ou diesel par son équivalent électrique ou hybride n’est pas à la portée de toutes les bourses, loin s’en faut. Pour eux, le salut pourrait finalement venir de Solution F, une entreprise fondée en 1985 par Eric Chantriaux à Aix-en-Provence et passée dans le giron du groupe savoyard GCK en juillet 2022.

Rétrofit 2 à 4 fois moins cher

En pointe dans le développement de technologies de propulsion non polluantes, la société désormais implantée à Venelles vient en effet de lancer Twin-E, une solution qui permet de transformer la grande majorité des véhicules thermiques actuellement en circulation en hybrides rechargeables pour environ 7500 euros, soit une somme 2 à 4 fois inférieure au prix d’une voiture électrique neuve ou du rétrofit (1) d’un véhicule thermique en électrique. Développées et brevetées depuis plus de 10 ans par Solution F, les technologies qui permettent cette transformation en hybride rechargeable ont été présentées le 2 juin au ministre de l’Industrie, Roland Lescure, à l’occasion de sa visite sur le site de Venelles. Il a pu lui-même tester la solution sur le tout premier prototype développé par l’entreprise sur la base d’une Citroën C1, un modèle choisi pour sa compacité. « Si on pouvait  faire entrer notre système dans un compartiment moteur aussi étroit, cela signifiait qu’on pourrait le monter dans n’importe quelle voiture de plus grande dimension », explique Eric Chantriaux, qui a laissé depuis un an les rènes de l’entreprise à Vincent Lallemand.

Outre les technologies d’hybridation, GCK – Solution F développe aussi des moteurs thermiques hautes performances pour la compétition, mais aussi des unités de puissance fonctionnant au bio-carburant ou à l’hydrogène, la prochaine étape vers la décarbonation de l’automobile. (Photo HV)

Un moteur et une « boîte de vitesses » innovants

Ce « système » se compose de trois pièces maîtresses, qui ont toutes fait l’objet de dépôt de brevets. D’abord un moteur électrique d’une puissance de 50 chevaux pour 48 volts, qui permet de rouler 70 km en tout électrique avec un pack de batteries léger et peu coûteux logé dans le coffre, à la place de la roue de secours. Pour transmettre sa puissance aux roues, ce moteur passe par une pièce dessinée et brevetée par Solution F en 2010, en l’occurrence un « train épicycloïdal » qui permet de propulser le véhicule aussi bien en électrique qu’en thermique. Sa boîte de vitesse mécanique a été retirée – et avec elle la pédale d’embrayage – de sorte qu’il fonctionne comme une boîte automatique, quel que soit le type d’énergie sollicité. Avec ce moteur de faible voltage, les batteries peuvent être rechargées via une prise compatible avec n’importe quelle installation domestique, ou via un système de récupération d’énergie au freinage, comme en Formule 1.

Le coeur du système Twin-E, un « train épicycloïdal » breveté en 2010 par Solution F. « A l’époque, raconte son inventeur, Eric Chantriaux, c’était tellement simple et évident que je me demandais pourquoi personne n’y avait pensé avant dans les bureaux d’étude des grands constructeurs. » (Photo HV)

Commercialisation courant 2024

Sur le plan industriel et commercial, GCK et Solution F espèrent commercialiser leur système courant 2024 en France. Ils comptent pour cela s’appuyer sur un réseau de 1000 points de vente de type centre auto, avec en ligne de mire un énorme potentiel. « En 2035, on arrêtera de vendre des véhicules thermiques en Europe, rappelle Roland Lescure, confirmant qu’il y aura alors 20 millions de véhicules thermiques à rétrofiter. Il vont avoir du boulot pour une bonne vingtaine d’années ». Pour un ministre de l’Industrie, qu’une entreprise 100% française développe une solution de conversion 100% française et 100% made in France est en effet pain béni. Mais pour l’heure, GCK et solution F en sont encore au stade des négociations avec plusieurs grandes enseignes de services automobiles – type Feu Vert, Norauto, AD ou Speedy – pour commercialiser Twin-E et le monter « en moins d’une journée » sur les voitures les plus courantes dans l’Hexagone. « Nous voulons faire homologuer en priorité les Clio, Scénic, Peugeot 207 et 208, Citroën C3… », explique d’ailleurs Eric Boudot, président de GCK, qui ambitionne dans un second temps de s’attaquer à d’autres marchés en Europe.

De 5,9 litres aux 100 km à 1,4 litre

Côté consommations et émissions polluantes, le bilan de Twin-E est plutôt excellent : sur la base d’une Clio 3 essence qui consomme 5,9 litres aux 100 km et émet 139 g de CO2 par km, l’hybridation permet d’abaisser à respectivement 1,4 l/100km et 39 g de CO2/km, selon les normes d’homologation en vigueur. Un résultat qui permet de faire fondre très sensiblement le budet carburant du véhicule.

Pour ce qui est de la partie industrielle, Solution F discute actuellement avec les grands équipementiers automobiles – Valéo et Faurecia, pour ne citer que les Français – afin de suivre le rythme que l’entreprise espère atteindre très rapidement. « Nous pouvons fabriquer nous-mêmes plusieurs milliers de trains épicycloïdaux par an ici, à Venelles, confie Vincent Lallemand, mais pour en produire plus, des dizaines, voire des centaines de milliers chaque année, il nous faut nécessairement par un partenariat industriel », justifie-t-il. Idem pour son moteur électrique, qui peut d’ailleurs intéresser d’autres constructeurs du fait de ses caractéristiques particulières. Quant au pack de batteries, c’est précisément la spécialité de l’une des filiales du groupe, GCK Battery.

Adapté aux ZFE

Quoi qu’il en soit, c’est bien parce que le marché a considérablement évolué ces dernières années que le système Twin-E semble promis à un bel avenir. Les impératifs climatiques, la prise de conscience des gouvernements, la hausse brutale du prix des énergies fossiles entraînée par l’invasion russe en Ukraine ont en effet changé la donne et les mentalités. Mais, en France, c’est l’instauration des ZFE en pleine période d’incertitudes géopolitiques qui semble doper la demande en véhicules plus propres. En convertissant une voiture essence ou diesel en hybride rechargeable, on passerait en effet d’une vignette Crit’Air 3 à une Crit’Air 1 qui donne accès aux ZFE.

Ici au volant d’une Renault Clio III rétrofitée avec le système Twin-E, le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, s’est dit très impressionné par cette technologie 100% française qui rend l’hybridation des véhicules thermiques nettement plus accessibles financièrement. (Photo HV)

Des aides de l’Etat pour convertir sa voiture

C’est cette possibilité qu’étudie actuellement le gouvernement, qui doit également fixer les conditions d’attribution de l’aide d’Etat pour ce type de conversion. Qui pourrait exiger un dispositif GPS de forçage du passage à l’électrique lorsqu’un véhicule rétrofité en hybride franchit les limites d’une ZFE. « Actuellement, nous avons une aide pour les véhicules propre, une sorte d’aide à la casse qui peut atteindre 6000 €, rappelle le ministre de l’Industrie. Sur les 7500 € que coûte ce rétrofit, je pense qu’on peut en faire environ la moitié en aide publique. »  Si l’hypothèse se concrétise, cela donnerait un sacré coup de pouce au Twin-E de GCK – Solution F, que Roland Lescure qualifie de « haut-lieu de la transition écologique populaire où on réconcilie la fin du monde et la fin du mois en mettant à portée des Français la transformation d’un véhicule en hybride en moins de 24 heures. L’Etat se doit d’aider les Français à y avoir accès. » S’il veut atteindre ses objectifs en termes d’émissions de gaz à effet de serre, il est vrai que l’Etat n’a pas vraiment le choix. Surtout qu’en l’espèce, il s’agit d’une solution 100% tricolore, ce qui ne court pas les rues en matière de technologies propres applicables à la mobilité.

Au moment où la décarbonation des transports devient une priorité des gouvernements partout dans le monde, voilà de quoi regonfler le moral de celles et ceux qui se désolent de la désindustrialisation du pays.

Solution F, pionnière dans la mobilité électrique

Pour Solution F ce serait aussi l’aboutissement d’une idée qui trotte dans la tête d’Eric Chantriaux depuis le mitan des années 2000. Outre le train épicycloïdal qu’il a fait breveter il y a 13 ans – «  j’étais très surpris que personne n’y ait pensé avant moi », confie-t-il aujourd’hui – l’ex-patron de l’entreprise avait en effet tenté de commercialiser le système en s’appuyant sur l’un de ses grands constructeurs partenaires d’alors, le groupe Renault. Un contrat avait même été signé avec le patron de Dacia, mais Carlos Ghosn l’avait retoqué. A l’époque, « la seule hybride qui existait sur le marché c’était la Toyota Prius », rappelle Eric Chantriaux. Sauf que Ghosn n’y croyait guère, préférant miser sur le tout électrique. Deux ans plus tard, Renault sortait d’ailleurs la Zoé, alors que son partenariat avec l’entreprise israélienne Better Place, qui imaginait contourner les problèmes d’autonomie en ouvrant des stations-service où n’importe quelle voiture pourrait échanger son pack de batteries vide contre un plein en quelques secondes. Un millier de Renault Fluence ZE électriques avaient même été lancées sur les routes d’Israël. Elles s’appuyaient sur un réseau naissant d’une vingtaine de stations d’échange réparties sur le territoire, quelques mois avant la retentissante faillite de Better Place en mai 2013, avec une perte de quelque 850 millions de dollars pour les investisseurs qui avaient misé dessus.

Spécialiste des moteurs hautes performances

Il n’empêche : malgré cette déconvenue avec Renault, pour qui solution F avait précédemment développé le réjouissant moteur de la Clio RS, Eric Chantriaux a toujours gardé l’idée dans un coin de sa tête. Et c’est la reprise par le groupe GCK, spécialisé dans la mobilité propre, qui a réactivé le projet. Optimisé grâce à cette mise en commun de moyens et de savoir-faire, Twin-E arrive à maturité au bon moment. Outre l’instauration des ZFE, les objectifs climatiques du gouvernement et les aides financières qu’il va apporter, la prise de conscience écologique du grand public, le développement exponentiel du marché des véhicules électriques et les progrès réalisés ces dernières années dans le domaine des batteries et des moteurs électriques constituent les meilleures garanties de succès pour cette nouvelle offre.

La mobilité hydrogène en point de mire

Pour Solution F, c’est aussi une façon de capitaliser sur son expérience des moteurs à hautes performances et d’élargir ses perspectives dans un domaine qu’elle a investi il y a une quinzaine années, l’aéronautique, dans le cadre d’un partenariat avec Airbus Innovation. Au milieu des années 1980, c’est d’abord dans la compétition automobile que l’entreprise s’est illustrée. D’abord en optimisant les Visa 100 Pistes que Citroën engageait dans les championnats de rallyes sur terre. Ensuite en développant les moteurs de compétition des 205 et 309 de Peugeot Sport, puis en construisant une monoplace de Formule Renault. Depuis, solution F n’ jamais abandonné ce qui reste son cœur de métier : la course. Plusieurs engagements aux 24 Heures du Mans, au Trophée Andros sur glace et dans les championnats réservés aux GT ou aux silhouettes sur circuit lui ont valu une réputation internationale qui a décidé TotalEnergie de lui confier, en 2019, le développement d’une station de ravitaillement en hydrogène pour le prototype H24. Basé sur un chassis de sport-proto type Le Mans, cet engin préfigure les voitures que la Fédération internationale de l’automobile (FIA)  souhaite aligner dans les courses d’endurance ces prochaines années, avec des moteurs thermiques zéro rejet de CO2 fonctionnant exclusivement à l’hydrogène. Ce sont ces moteurs très innovants que Solution F développe actuellement dans le cadre son programme Foenix H2.

Côté aéronautique, après avoir fait voler avec Airbus le tout premier hélicoptère à propulsion électrique, en 2011, Solution F fait aujourd’hui partie du pool d’entreprises impliquées dans le développement des futurs « taxis volants », dont le profil rappelle celui d’un drone XXL. De quoi effectivement donner du boulot à l’entreprise pour les 20 prochaines années, comme le pronostique Roland Lescure.

Hervé Vaudoit

  • (1) : terme anglais qui désigne la conversion 100% électrique d’un véhicule 100% thermique à l’origine.

 

 

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