Urgences cardiovasculaires : ça monte et c’est grave !

Les maladies cardiovasculaires et les AVC sont responsables de plus de 140.000 décès chaque année en France. Selon l'OMS, les infarctus sont la première cause de mortalité à l'échelle mondiale et leur nombre augmente fortement depuis vingt ans, chez les hommes comme chez les femmes. Chef du service de chirurgie vasculaire et endovasculaire à l'Hôpital Saint-Joseph de Marseille, le Dr Nicolas Valerio invite la population à se faire dépister, à stopper le tabac et à... mieux s'informer entre frères et soeurs !

Santé

Quels sont les principaux motifs pour lesquels les patients arrivent aux urgences cardiaques ?

Docteur Nicolas Valerio : C’est souvent lorsqu’on a une douleur thoracique brutale qui est oppressante, dans la poitrine, et qui va nous faire sentir tellement mal, et ne pas passer, qu’on va appeler les secours. Une douleur thoracique évoque souvent un problème cardiaque, qui peut avoir différentes facettes.

Les patients et leur entourage réagissent-ils suffisamment rapidement? N’a-t-on pas tendance à croire que cette « vive douleur dans la poitrine ou dans la mâchoire », finalement, ça va passer ?

On peut avoir des gens qui vont consulter avec retard et, malheureusement, cela peut avoir des conséquences très graves. A partir du moment où on a une douleur dans la poitrine qui est oppressante, il faut appeler le 15 ou se rendre dans un service d’urgence. Mais la bonne initiative, c’est le 15 parce qu’on va avoir un médecin qui va nous renseigner, qui va faire la part des choses entre ce qui est grave et qui nécessite une prise en charge immédiate, ou ce qui peut être traité par le médecin traitant avec un rendez-vous.

Comme un coup de poignard dans le dos !

La barre dans la poitrine, on connaît. Quels peuvent être les autres signes éventuels ?

La douleur dans la poitrine, elle est souvent en barre. Et c’est avec la main qu’on montre la poitrine. Ce n’est pas une douleur qu’on peut localiser au doigt (donc en un point très précis de la poitrine). C’est pareil quand la douleur irradie dans le bras, dans la mâchoire, quand elle a tendance a être vraiment diffuse. Egalement quand elle va dans le dos et qu’elle fait comme un coup de poignard dans le dos. Ce sont des points d’alerte qui nous disent qu’il faut consulter.

Donc le petit picotement que je ressens au coeur ou autour du coeur, ce n’est pas forcément une urgence cardiaque ?

Exactement. A partir du moment où on peut se dire « c’est un petit picotement, je le montre avec le doigt », ça ne ressemble pas à une urgence cardiaque.

Une hémorragie interne cataclysmique

Venons en aux urgences aortiques qui sont l’une de vos spécialités. De quoi s’agit-il ? Est-ce forcément une urgence vitale ?

Les urgences cardiaques peuvent se définir en trois grandes familles. 1- Soit ça va toucher les petites artères qui irriguent le coeur et qui vont finir par se boucher pour arriver à ce qu’on appelle l’infarctus du myocarde. Ces petites artères bouchées vont nécessiter une prise en charge cardiologique. 2- Une autre origine, c’est l’artère pulmonaire : l’artère qui part du coeur et qui envoie le sang vers le poumon, pour être oxygéné, peut se boucher. Cela occasionne une embolie pulmonaire qui occasionne une prise en charge cardiologique dans des services présents dans la plupart des hôpitaux et cliniques.

3- En revanche, quand c’est l’aorte, la grosse artère qui part du coeur et qui donne toutes les autres artères, qui est en cause, cela devient une urgence chirurgicale. Il faut alors aller vers des centres ayant les ressources disponibles. Quand la paroi de cette artère est fragilisée, il peut y avoir une rupture qui peut être brutale et entraîner une hémorragie interne cataclysmique, ou bien cette rupture peut être différée. La prise en charge de ces urgences aortiques va nécessiter un diagnostic très précis et une intervention dans un centre spécialisé.

Le vieillissement de la population en cause

On est ici face à des situations extrêmement graves…

On est toujours dans des situations qui engagent le pronostic vital. D’où l’importance d’être bien orienté dès le début, pour qu’il n’y ait pas de perte de temps dans la prise en charge de ces urgences.

Constatez-vous une augmentation du nombre de cas ?

Il y a une augmentation du nombre de cas des urgences cardiovasculaires en général. Le vieillissement de la population – qui est exposée plus longtemps à des facteurs de risque comme l’hypertension, le tabac, le cholestérol – fait que des pathologies aortiques vont être de plus en plus fréquentes. Des facteurs familiaux et génétiques peuvent aussi expliquer que certaines populations vont être plus à risque. D’où l’intérêt de dépister ces gens-là, des les identifier pour les faire entrer dans un suivi très minutieux.

Urgences aortiques : 50% finissent au bloc

Comment puis-je faire ce dépistage ?

Quand c’est une urgence, près de la moitié des patients vont être opérés immédiatement. L’aorte, qui a été fragilisée, nécessite une réparation quasi immédiate, ou dans les jours qui suivent. Mais dans la moitié des autres cas, les patients n’auront pas besoin d’une intervention chirurgicale pour réparer leur aorte immédiatement. Ils auront besoin de rentrer dans un suivi minutieux avec un équilibre de la tension artérielle et une surveillance de l’aorte par des examens réguliers, pour les mettre à l’abri d’une rupture différée de leur aorte.

Une simple prise de tension effectuée chez son médecin traitant peut-elle alerter sur ce type de problème ?

Bien sûr ! A partir du moment où l’on constate que l’on a un facteur de risque, et l’hypertension artérielle en est un, il faut consulter un cardiologue. Il va faire une échographie cardiaque puis éventuellement orienter vers un spécialiste des maladies cardiovasculaires.  Quand la réparation est chirurgicale, qu’elle nécessite une ouverture du thorax pour remplacer chirurgicalement un segment de l’aorte avec une prothèse qui est en textile et qui est cousue, c’est une intervention très lourde.

Elle nécessite de mettre en place une circulation extracorporelle (NDLR : le coeur est littéralement arrêté pour permettre au chirurgien de retirer la partie malade de l’aorte et la remplacer par une prothèse en tissu raccordée au coeur;  l’ensemble du corps est alors perfusé par un circuit extérieur. On peut voir à ce propos notre reportage vidéo « chirurgie à coeur ouvert : un exploit spectaculaire! » mis en ligne le 14 juin 2022). Le patient reste en réanimation plusieurs jours après l’intervention. La convalescence dure près de trois mois, pour récupérer des fonctions quasi normales. Il y a aussi, fréquemment, des gestes endovasculaires. On passe par l’intérieur des vaisseaux, par les voies naturelles en quelque sorte, pour mettre en place des prothèses à l’intérieur pour consolider la paroi de l’artère et ainsi éviter une ouverture du thorax.

Un suivi médical à vie obligatoire

C’est ce qu’on appelle les stents ?

On appelle cela les stents pour les toutes petites artères. Pour l’aorte et les grosses artères, on appelle cela des endoprothèses aortiques. C’est non seulement un stent, c’est-à-dire l’armature métallique de la prothèse, son squelette, mais ce stent est recouvert d’un textile pour étanchéifier la paroi de la prothèse.

Si j’ai déjà eu un tel accident, suis-je sujet à faire une récidive ?

A partir du moment où on a une réparation, on a un suivi obligatoire tout au long de sa vie. Parce que non seulement l’endroit qui a été réparé peut se dégrader à nouveau, mais il peut également y avoir des extensions. L’aorte parcourt la totalité du corps pour se diviser en deux aux jambes et elle peut se dégrader en d’autres endroits. Il peut y avoir également des artères qui naissent de cette aorte et qui se retrouvent mal perfusées, nécessitant parfois des corrections à distance.

Informez vos frères et soeurs, c’est très important

Pour résumer, comment savoir si je suis un sujet à risque ?

Il faut regarder dans vos ascendants – père et mère, grands-pères et grands-mères – pour voir s’il y a eu des morts brutales et rattachées à des causes cardiovasculaires. Donc pour savoir si on est génétiquement à risque. Si c’est le cas, il faut se faire dépister, en parler à ses frères et soeurs, pour qu’ils se fassent dépister eux aussi, c’est très important. A partir du moment où l’on va consulter une unité cardiovasculaire, on sera pris en charge et suivi pour ne pas attendre l’accident pour se faire traiter.

Il y a ensuite la connaissance à avoir des facteurs de risque cardiovasculaire. Concernant l’aorte, il s’agit de l’hypertension artérielle, du cholestérol, du tabac et, dans une moindre mesure, du diabète qui touche plutôt les petites artères.

L’arrêt du tabac est vraiment bénéfique

Par son comportement personnel, on peut limiter ces risques ?

On peut les limiter en se prenant en charge, en veillant à ce que sa tension artérielle soit bien équilibrée, si besoin avec un traitement. Bien entendu l’arrêt total et définitif du tabac est toujours une bonne chose. Cela a une action bénéfique sur l’aorte et sur les maladies cardiovasculaires en général, sur les artères carotides qui peuvent se boucher et entraîner des accidents vasculaires cérébraux, sur les artères du coeur qui peuvent entraîner, en se bouchant, des infarctus du myocarde. L’arrêt du tabac est vraiment bénéfique à tous les niveaux.

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