Utérus : un organe si précieux à surveiller

C'est un organe précieux, auquel nous devons tous la vie. Mais l'utérus est également sujet à diverses pathologies, dangereuses si l'on pense au cancer, douloureuses et invalidantes avec l'endométriose, inquiétantes quand il s'agit de fibromes ou de polypes. Comment prévenir et soigner les maladies de l'utérus? Voici les conseils du docteur Elisabeth Chéreau, gynécologue et chirurgien à l'Hôpital Saint-Joseph de Marseille.

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Petite révision générale pour ceux qui auraient zappé leurs cours de biologie. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est précisément l’utérus, et quelle est sa fonction ?

Docteur Elisabeth Chéreau : C’est l’organe avant tout de la reproduction. Il sert à faire des bébés. Dès que les femmes commencent à avoir leurs règles, c’est l’utérus qui va saigner pendant les règles puis après pour porter et mener à bien les grossesses. Attention à ne pas confondre l’utérus et les ovaires. L’utérus c’est vraiment la « boîte » pour faire des bébés alors que les ovaires ont la fonction ovarienne qui fait les cycles. Quand on n’a plus d’utérus, on n’est pas ménopausée.

On se soucie de son utérus à partir de 25 ans

A partir de quel âge une fille doit-elle se soucier de la santé de son utérus, et doit-elle s’en soucier d’ailleurs ?

Les recommandations actuelles c’est pas avant 25 ans. Les premiers dépistages du cancer du col de l’utérus ou des dysplasies du col de l’utérus se font à cet âge. S’il n’y a pas de demande avant, il n’y a pas besoin de consultation gynécologique. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas besoin d’examen gynécologique, sauf problème particulier avant 25 ans. Si la jeune fille a un besoin de contraception, elle peut voir le gynécologue mais ça ne justifie pas forcément un examen gynécologique. Ce n’est pas parce que les jeunes filles viennent voir le gynécologue qu’elles vont être examinées ou qu’elles vont avoir un frottis.

Quelles sont les maladies les plus fréquentes et quelle est la proportion de femmes qui en sera atteinte au cours de sa vie ?

On peut avoir des fibromes. C’est comme des boules de fibres qui se mettent dans la paroi du muscle utérin. L’utérus est composé d’une paroi extérieure qui est un muscle et d’une paroi intérieure qu’on appelle l’endomètre, c’est le tissu qui va grandir jusqu’à tomber au moment des règles. Les fibromes se mettent au niveau du muscle utérin. L’autre pathologie assez classique, c’est les polypes qui se mettent au niveau de l’endomètre, à l’intérieur de l’utérus. Cela peut donner des symptômes cliniques. Il y a une autre pathologie qui est l’endométriose. Elle se situe plutôt sur la partie externe de l’utérus, voire dans la cavité abdominale.

Une femme sur 3 aura des fibromes

Qu’est-ce qui provoque des fibromes ou des polypes, et faut-il s’en inquiéter ?

En général cela donne soit des douleurs soit des saignements. Les fibromes peuvent être très volumineux et donner des douleurs, et gêner parfois un peu dans un projet de grossesse. Ils peuvent aussi donner des signes de compression pelvienne ou de la vessie. Les polypes donnent le plus souvent des saignements voire aucun symptôme. On estime à peu près que 30% des femmes vont avoir des fibromes. Parfois ils sont tout petits. Au moment de la ménopause ils vont sécher, et on ne fait jamais rien. Quand ils sont plus gros, cela peut nécessiter des prises en charge médicales ou chirurgicales. Le plus souvent, on recommande d’enlever les polypes. C’est assez simple.

Ablation de l’utérus

Et pour cela existe-t-il des traitements médicamenteux, ou est-ce forcément de la chirurgie ?

Pour les polypes c’est surtout de la chirurgie. On les enlève par les voies naturelles lors d’une hystéroscopie. Il n’y a pas de cicatrice et on va aller gratter les polypes comme avec une petite cuillère. Pour les fibromes, il y a 3 types de traitements différents. Soit le traitement médical, souvent à base d’hormones, de progestatifs, qui permet de sécher un peu l’utérus. Soit l’embolisation, avec de la radiologie interventionnelle : on va aller boucher avec des petites billes les vaisseaux qui vont à l’utérus. Cela permet que moins de sang arrive aux fibromes. Donc ils vont diminuer de taille et il y aura moins de symptômes.

Le 3e traitement est la chirurgie pour enlever les fibromes, parfois par les voies naturelles ou par coelioscopie, ou en ouvrant carrément le ventre selon leur taille. Et quand il n’y a pas le choix, parce qu’il y a trop de fibromes ou que le désir de grossesse a été assouvi et qu’il n’y a plus de projet de grossesse, cela peut nécessiter d’enlever l’utérus.

Cancer de l’utérus : l’obésité pointée du doigt

Autre maladie redoutable, le cancer de l’utérus. Comment survient-il et peut-on alors éviter l’ablation de l’utérus ?

Le cancer de l’utérus survient chez des personnes plus âgées, en général autour de 60, 70 ans. Le signe principal, c’est les métrorragies post-ménopausiques, c’est-à-dire les patientes qui saignent après la ménopause. Il est important de consulter pour faire des examens. Le facteur principal du cancer de l’utérus, que l’on appelle aussi cancer de l’endomètre, c’est l’obésité et tout ce qui est facteur d’hyper-oestrogénie : tout ce qui est imprégnation hormonale, donc une puberté précoce, une ménopause tardive. L’obésité est le premier facteur de risque, et il existe parfois des formes familiales également.

Pour le cancer de l’endomètre, l’intérieur de l’utérus, le traitement le plus souvent est la chirurgie. On distingue aussi le cancer du col de l’utérus, qui est autre chose. L’utérus a deux parties: le corps de l’utérus qu’est l’endomètre, et le col de l’utérus. Il existe un vrai axe de prévention sur ce cancer. D’abord par les frottis, donc l’examen gynécologique régulier. Aujourd’hui on fait aussi des tests HPV, qui sont recommandés. Le deuxième axe de prévention, c’est la vaccination anti-HPV recommandée chez les jeunes filles et chez les jeunes hommes entre 11 et 14 ans.

Vaccinez vos filles et vos garçons avant 14 ans contre le papillomavirus

C’est la fameuse vaccination contre le papillomavirus. Vous la recommandez à vos patientes en leur disant de faire vacciner leurs enfants ?

Tout à fait. Et les miens sont vaccinés d’ailleurs ! C’est le seul vaccin qu’on ait aujourd’hui qui permet de prévenir un cancer. Il faut utiliser cette arme-là. On fait 40.000 conisations par an en France pour des lésions précancéreuses du col de l’utérus, avec des séquelles sur le plan obstétrical qui ne sont pas négligeables. Donc il est très important de pouvoir profiter de cette vaccination.

Et il faut la faire avant la puberté, avant d’avoir des rapports sexuels notamment ?

Il est recommandé de faire la vaccination entre 11 et 14 ans, car c’est le moment où le vaccin fonctionne le mieux. Une vaccination de rattrapage peut être faite après 14 ans et jusqu’à un an après les premiers rapports. Mais ça marche mieux entre 11 et 14 ans.

On n’enlève pas l’utérus par précaution !

On entend beaucoup parler d’hystérectomie après 50 ans, une fois la ménopause arrivée. Est-ce fréquent ? Est-ce une façon d’écarter les dangers potentiels à venir ?

La chirurgie prophylactique, qui consiste à enlever un organe qui n’est pas malade, c’est plus néfaste que bénéfique. Il y a plus de risque à enlever un organe pas malade par rapport aux complications post-opératoires, aux séquelles de l’intervention, que de bénéfices pour prévenir une pathologie qui pourrait être sérieuse. Ce qu’il faut, c’est un suivi régulier. S’il y a une indication à enlever l’utérus, ça peut se faire, mais pas forcément après la ménopause. Cela peut se justifier parfois avant.

Que signifie un suivi « régulier » ?

On devrait aller voir son gynécologue une fois par an, sachant qu’aujourd’hui les recommandations pour le dépistage du col de l’utérus se sont pas mal espacées, puisqu’autour de la ménopause le test HPV est recommandé tous les 5 ans uniquement, s’il est normal. Mais voir son gynécologue une fois par an, ce n’est pas trop pour faire un examen clinique, un interrogatoire, vérifier que tout va bien, plus le dépistage pour le cancer du sein qui est important. Et cela jusqu’à la fin de sa vie.

Conséquences sexuelles et psychologiques de l’ablation de l’utérus

Quel est l’impact sur la vie quotidienne de vivre sans utérus ? Que ce soit sur un plan physiologique, hormonal, sexuel ou autre…

Quand on enlève l’utérus sans enlever les ovaires, on n’est pas en ménopause. On n’a plus de règles mais les ovaires continuent à fonctionner. Il n’y a pas d’impact sur la fonction hormonale. Les études ont montré qu’il n’y a pas de différence sur la qualité de vie sexuelle, qu’on ait ou pas un utérus, passée bien sûr la période post-opératoire immédiate. Il ne faut pas négliger néanmoins les conséquences psychologiques qui peuvent être importantes. Pour une femme, devoir se faire enlever l’utérus n’est pas négligeable. D’où l’intérêt d’une bonne préparation avec le médecin pour expliquer l’intervention et les éventuelles répercussions.

Peu de formes héréditaires

Les maladies de l’utérus présentent-elles un caractère héréditaire ? Si une mère a eu des fibromes, un cancer, ses filles devront-elles se méfier d’autant plus ?

Oui et non. En population générale, non. La plupart de ces pathologies ne sont pas héréditaires. Par exemple les fibromes peuvent être souvent ethniques. Les Africains ont plus de fibromes par exemple. Ce sont des formes familiales, pas forcément héréditaires, mais plutôt ethniques. Pour les cancers, il peut y avoir des formes familiales avec des prédispositions génétiques comme le syndrome de Lynch pour le cancer de l’utérus. Ce sont des familles identifiées et suivies très particulièrement, et de manière très rapprochée.

Douleurs : et si c’était l’endométriose ?

Il est une pathologie dont on parle beaucoup, qui provoque de grandes souffrances, c’est l’endométriose. Comment l’identifier? Comment la traiter ?

On en parle beaucoup et tout le monde est bien informé. Cela représente à peu près 10% des patientes qui ont l’endométriose et jusqu’à 40% des patientes qui ont des douleurs pelviennes chroniques. L’important est de consulter régulièrement. Le dépistage se fait par un examen clinique et des examens d’imagerie, notamment l’échographie pelvienne et l’IRM pelvienne. C’est mieux de faire tous ces examens dans des centres où les médecins, les radiologues, sont habitués à la prise en charge de l’endométriose.

Cela permet de mieux dépister ces maladies et de mieux les prendre en charge après. L’endométriose, ça attaque l’utérus mais cela a souvent aussi une répercussion sur la fertilité. Il peut donc y avoir des problématiques diverses à prendre en charge. Il faut anticiper le désir de grossesse ou pas, est-ce qu’il faut prélever ou congeler des ovocytes avant une chirurgie… Il faut se poser ces questions avant, car après cela peut être trop tard.

Désir de grossesse

C’est une maladie que l’on sait traiter ?

On ne traite pas la maladie mais les symptômes. Ils peuvent être extrêmement différents selon les patientes. Il faut faire le point avec la patiente sur ses symptômes et son projet de vie. Certaines ont toujours très mal et ont besoin de soulager cette douleur. Pour d’autres, la problématique est par exemple le désir de grossesse. La douleur est un peu au second plan. Il faut savoir écouter la patiente, prendre une décision avec elle sur la stratégie thérapeutique. Est-ce le traitement de la douleur, l’obtention d’une grossesse ? La prise en charge n’est pas du tout la même.

Peut-on prévenir un certain nombre de pathologies ? Comment « préserver » ou entretenir son utérus ?

Par le dépistage. Que ce soit par le frottis ou le test HPV. Par la consultation régulière chez le gynécologue. Quand on est une femme, il faut s’écouter. Quand on connaît bien son corps, on sait quand il y a quelque chose qui ne va pas : les règles qui deviennent irrégulières, les saignements plus abondants. Et par la vaccination contre le papillomavirus pour diminuer le risque de cancer du col de l’utérus.

Le docteur Elisabeth Chéreau dirigera avec le Pr Eric Lambaudie (Institut Paoli-Calmettes) le symposium professionnel sur le cancer de l’endomètre jeudi 6 avril à la tour La Marseillaise. Renseignements 04 96 15 33 08

 

 

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