Vos reins sont en danger et vous l’ignorez peut-être !

Ils sont le grand épurateur de notre sang. La fonction de filtration de nos reins avec l'élimination des déchets dans les urines est essentielle à notre santé. Pourtant 6 millions de Français sont atteints de maladies rénales, dont 3 millions en réelle difficulté sans le savoir la plupart du temps. Comment prendre soin de nos reins ? En réduisant la consommation de sel, de viande et de tabac notamment. Comment repérer leurs dysfonctionnements avant qu'il ne soit trop tard ? Néphrologue au CHU de La Conception (APHM), la professeure Noémie Jourde-Chiche propose une analyse rassurante et de précieux conseils.

Santé

1 personne sur 20 serait atteinte d’insuffisance rénale chronique en France. De quoi souffrent-elles précisément ?

Professeure Noémie Jourde-Chiche : L’insuffisance rénale chronique est la perte progressive de la fonction de filtration du sang par les reins, et de l’élimination des déchets dans les urines. En France, 1 personne sur 10 souffre d’une maladie rénale, qui peut évoluer vers l’insuffisance rénale chronique. Actuellement, on estime que 3 millions de personnes en France sont atteintes d’insuffisance rénale chronique, souvent sans le savoir.

Seules solutions : prise de tension, examens sanguins et urinaires

Comment détecte-t-on une insuffisance rénale ? Provoque-t-elle des symptômes ?

L’insuffisance rénale est une maladie silencieuse, et c’est la raison pour laquelle elle est trop souvent découverte tardivement. La personne malade peut ne se rendre compte de rien jusqu’à un stade très avancé. En particulier, l’insuffisance rénale ne cause pas de douleurs aux reins, et ne modifie pas la
quantité ou l’aspect des urines (jusqu’à un stade très tardif). Seule la prise de tension artérielle, et les examens sanguins et urinaires permettent de détecter une maladie rénale.

En quoi consistent ces examens, et doit-on faire ce dépistage régulièrement, même sans facteurs de risque connus ?

Chez une personne sans problème de santé connu, la tension artérielle doit être mesurée 1 fois par an, chez le médecin traitant ou en médecine du travail. Si on découvre une hypertension artérielle, on recherchera une maladie rénale par une prise de sang et un examen d’urines. Car les maladies rénales causent très souvent de l’hypertension, et l’hypertension à son tour abîme les reins et peut entraîner une insuffisance rénale.

Chez une personne présentant des facteurs de risque d’insuffisance rénale, le dépistage doit être fait chaque année, en mesurant : 1- Le taux d’albumine sur un échantillon urinaire : la présence d’albumine dans les urines prouve que le filtre rénal a un problème, car normalement l’albumine ne doit pas passer à travers ce filtre. 2 – Le taux de créatinine dans la prise de sang : la créatinine est un déchet de nos muscles, qui passe dans le sang, est filtré par les reins et éliminé dans les urines. Quand les reins marchent moins bien, le taux de créatinine dans le sang augmente. On fait un calcul tenant compte de la masse musculaire du patient pour estimer sa fonction rénale.

Diabète, hypertension, obésité, infections urinaires : sale temps pour les reins !

Quelles sont les maladies qui peuvent conduire à une insuffisance rénale ?

Les maladies qui conduisent le plus fréquemment à une insuffisance rénale sont le diabète, l’hypertension artérielle et les maladies cardiovasculaires. L’obésité, l’insuffisance cardiaque, les problèmes urologiques (malformations urinaires, infections récidivantes, problèmes de prostate), certains médicaments (des traitements anti-cancéreux, mais aussi des médicaments très utilisés comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens) ou certaines maladies auto-immunes, peuvent aussi conduire à de l’insuffisance rénale. Et puis ils y a bien sûr les maladies génétiques rénales, comme la polykystose
rénale, qui touche près de 30 000 personnes en France.

Existe-t-il d’autres causes, comme l’âge par exemple ?

L’âge en soi n’est pas une cause d’insuffisance rénale chez une personne par ailleurs en bonne santé. Mais plus une personne est âgée, plus elle présente de risques d’avoir développé une maladie qui peut conduire à l’insuffisance rénale, comme le diabète, l’hypertension artérielle ou les maladies cardiovasculaires.

Des effets dévastateurs sur tout notre corps

Quels sont les impacts sur le corps d’une insuffisance rénale modérée, voire sévère ?

L’insuffisance rénale chronique modérée ne provoque en général pas de symptômes, mais elle expose la personne à un risque d’hypertension artérielle, et de maladies cardiovasculaires car les toxines qui s’accumulent en cas d’insuffisance rénale sont délétères pour les vaisseaux sanguins. L’insuffisance rénale chronique sévère peut conduire à des gonflements des jambes (qu’on appelle les œdèmes) et à un essoufflement, par accumulation de sel et d’eau dans l’organisme. Elle peut être responsable d’une anémie, car les reins sont censés fabriquer une hormone, l’EPO, qui commande à la moelle osseuse de fabriquer les globules rouges.

L’insuffisance rénale sévère entraîne aussi des problèmes de calcium et de phosphore, avec des calcifications des artères. Elle peut entraîner un défaut d’élimination du potassium, qui peut mettre en danger le rythme cardiaque. Plus elle est sévère, plus l’insuffisance rénale chronique s’accompagne de fatigue, et puis ensuite d’une perte d’appétit pouvant conduire à une perte des muscles et une dénutrition. Les patients avec une insuffisance rénale sévère ont aussi souvent la peau sèche et des démangeaisons.

Dépistez-vous… car on ne sait pas guérir l’insuffisance rénale chronique

Venons-en aux traitements. Quels sont-ils ? Permettent-ils de stabiliser la maladie ?

Le meilleur traitement reste la prévention, avec le dépistage et la prise en charge précoce des maladies rénales chez les personnes à risque, car une fois que l’insuffisance rénale s’est installée de façon chronique, on ne sait pas la guérir. Les traitements de l’insuffisance rénale chronique (IRC) visent à ralentir le plus possible la dégradation de la fonction rénale. Ce sont d’abord le traitement de l’hypertension artérielle, car une hypertension mal équilibrée abîme les reins, et le bon équilibre du diabète chez les patients diabétiques. Pour ne pas aggraver les problèmes cardiovasculaires, il est très important d’arrêter de fumer.

Ensuite, les personnes souffrant d’IRC doivent adapter leur alimentation, en diminuant les apports alimentaires en sel, et pour ceux ayant une IRC déjà évoluée, en réduisant les apports alimentaires en protéines animales. Concernant les médicaments, il y a ceux qu’on dit « néphro-protecteurs » et qu’il faut favoriser, et ceux qui sont « néphro-toxiques » et qu’il faut éviter. Les médicaments néphro-protecteurs sont d’une part des médicaments de la famille des anti-hypertenseurs (les IEC ou les sartans), et d’autre part des médicaments initialement développés comme anti-diabétiques mais qui se prescrivent désormais pour protéger les reins même sans diabète (les gliflozines).

Gare aux anti-inflammatoires en vente libre

Les traitements néphro-toxiques sont en particulier les anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui s’achètent à la pharmacie sans ordonnance, mais qui sont dangereux quand on a une maladie rénale. Le paracétamol ne fait pas partie de cette famille et peut être pris. Il faut aussi savoir adapter les doses de nombreux médicaments quand on a une insuffisance rénale, car les reins éliminent aussi les médicaments, et certains médicaments peuvent s’accumuler dans le sang et devenir toxiques si
on n’adapte pas leur dose à la fonction rénale.

Pourquoi l’insuffisance rénale devient-elle parfois totale, obligeant à la dialyse très contraignante ou à la greffe de rein ?

Chez les personnes évoluant vers l’insuffisance rénale totale, il existe heureusement des traitements de suppléance, mais qui présentent en effet des contraintes. Le meilleur traitement de suppléance est la transplantation rénale, car il permet la meilleure qualité de vie pour les personnes, et la meilleure
espérance de vie. Mais il existe une pénurie d’organes, et l’attente moyenne en France avant de pouvoir bénéficier d’une greffe provenant d’un donneur décédé est de 2 ans et demi, sauf si on peut bénéficier d’un don de rein de l’un de ses proches (NDLR : on peut en effet dans la plupart des cas très bien vivre avec un seul rein).

Et puis certains patients ne peuvent pas être greffés, car ils sont trop fragiles et trop altérés sur le plan de leur santé pour pouvoir subir l’intervention chirurgicale de la greffe, ou pour pouvoir supporter les traitements anti-rejet. L’autre traitement est la dialyse chronique, qui peut se faire selon différentes modalités, à l’hôpital, en centre ou à domicile. C’est un traitement en effet contraignant, qui permet à des patients dont les reins n’assurent plus la filtration du sang de continuer à vivre.

Moins de sel, de viande, de tabac : vos reins vous diront merci !

Notre mode de vie a-t-il un impact sur le bon fonctionnement de nos reins ? Et peut-on prévenir leur dégradation ?

Oui ! On peut changer notre mode de vie pour réduire le risque d’insuffisance rénale. De façon générale, on a tendance à manger trop salé, avec trop de protéines animales, à être trop sédentaire et à trop souvent fumer. Tous ces facteurs de risque peuvent être corrigés, et ce sera bon pour notre santé en général, en plus de notre santé rénale.

Et puis pour les reins, il ne faut pas faire l’autruche. Il faut dépister l’hypertension artérielle, et dépister la maladie rénale en dosant l’albumine dans les urines et la créatinine dans le sang quand on est à risque, car plus la maladie rénale est prise en charge tôt, et activement, moins elle risque d’évoluer vers l’insuffisance rénale chronique et vers le besoin de greffe ou de dialyse. L’implication de la personne dans sa maladie est essentielle, car elle est seule à pouvoir décider de suivre ou non un régime, de prendre ou non ses traitements, et de faire ou pas les bilans sanguins et urinaires de surveillance.

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