Yvan Sorel et ses « Spartiates », le combat d’une vie

« Honneur, respect, fidélité, persévérance, courage, loyauté, sincérité, bonté, tolérance… » Tous les soirs de la semaine, inlassablement, Yvan Sorel répète ses mots à ses licenciés, de 4 à 77 ans, dans sa salle de sports de combat située dans le 3e arrondissement de Marseille. Depuis 2004, le champion, pionnier du MMA dans la cité phocéenne, entraîne, forme, éduque, et prône par l’effort sportif la... non-violence.

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Professionnel de MMA, Kick Boxing, gradé en Kung-Fu, expert en Pancrate, multiple champion de France et détenteur de titres mondiaux…  Yvan Sorel impressionne par son palmarès, son physique et son caractère. Mais le principal combat qu’il mène depuis 2004 se situe dans une salle située au 7 rue André Chamson, dans le 3ème arrondissement de Marseille, l’un des plus pauvres d’Europe, faut-il le rappeler.

Un espace qui accueille, une nouvelle fois pour cette rentrée, 300 adhérents, âgés entre 4 et 77 ans. Affilié à la fédération française de MMA, le club a déjà fait éclore de nombreux professionnels et champions régionaux, nationaux et mondiaux. Audrey Kerouche, Manu Mendy, Sophia Haddouche, Sofian Alizier, Sabrina Boutine… La liste serait bien trop longue !

Profondément indépendant, et peu importe les conséquences

« J’ai commencé la pratique à l’âge de 10 ans dans les arts martiaux traditionnels, commence Yvan, avant d’obtenir mes premiers bons résultats, à 12 ans. Rapidement, j’ai passé mes diplômes d’Etat. J’ai toujours préféré enseigner plutôt que favoriser une carrière de haut niveau. La particularité de notre club est de n’avoir jamais obtenu une seule subvention des collectivités.»

Cette indépendance, le champion y tient tout autant qu’une de ses ceintures mondiales… Si ce n’est plus ! « Le gros problème de Marseille est qu’il faut avoir la carte d’un parti politique et faire du clientélisme pour obtenir des aides. Moi, je ne fais pas de politique et je crois en mes valeurs : honneur, fidélité, persévérance, respect. Cela m’a toujours donné une liberté d’expression et de vie. »

A deux pas de l’Hôpital Européen, la salle de la Team Sorel est ouverte toute l’année, du lundi au vendredi, de 18h30 à 21h30. « Ici, juste à côté, nous sommes entourés par un environnement de délinquance et par plusieurs réseaux de drogue et autres. Je répète au quotidien, à mes jeunes et moins jeunes, qu’ils ont de la chance d’être là. Et je veux qu’ils crient plus fort que les autres dehors. Plusieurs petits qui faisaient l’Arah sont aujourd’hui venus au club. Petit à petit on grignote du terrain face à la délinquance, la radicalisation, le sexisme, l’intimidation. Voilà notre combat. On a su prouver qu’on pouvait réussir là où de nombreuses collectivités, avec de gros moyens financiers, à l’exemple de plusieurs ministères, échouent. On y arrive avec notre indépendance. »

Après un premier long silence, il place un nouvel uppercut : « Je n’ai pas honte de dire que j’ai fait les poubelles pour pouvoir m’en sortir à un moment. Je remercie le karma de cette vie. Je remercie le bon Dieu, bien sûr mes parents pour m’avoir donné cette éducation, et surtout le sport qui m’a toujours permis de voir plus loin. »

« Tout le reste à part l’amour se consume : l’argent, la haine, le charbon de la chicha ! »

Le nom de Sorel est aujourd’hui associé à plusieurs films auxquels il a déjà participé, à des projets sociaux et culturels menés avec son club. Yvan en est fier. Il aurait pu lui aussi mal tourner. L’acteur Gérard Lanvin est devenu un intime en venant tourner sur Marseille. N’hésitant pas à faire un don de 75 000 euros pour équiper la salle Sorel de plusieurs machines de musculation. « Ce sont nos subventions ! On fonctionne également grâce aux efforts de nos adhérents les plus fortunés qui compensent pour les autres. L’amour est la seule énergie inépuisable dans ce bas monde. Si on vit et on fait son travail comme je le fais par amour, on évolue et on entraîne les autres dans son sillage. Car tout le reste à part l’amour se consume : l’argent, la haine, le charbon de la chicha ! »

Depuis quelques années, Yvan a créé le Team Sorel Lounge s’adressant aux Marseillais du quartier ne pouvant pas pratiquer de sport de manière intensive. Un club qui permet de se retrouver autour d’un film ou du ballon rond, toujours à la Belle de Mai. « J’aime dire qu’on est devenu dans cette ville un Etat dans l’Etat. On me dit que je suis un gourou, pas du tout ! Ma philosophie ? Si on peut s’entraider, il faut foncer et surtout ne pas réfléchir. »

Former et pousser à enseigner pour en faire un métier

Foncer également pour pousser ses protégés à faire de la compétition : « Cette dernière est importante car elle donne un but, apporte une vision dans un planning dans l’optique de pouvoir s’entrainer dur et avoir un objectif. Le plus important est le passage de grades qui donne la possibilité de devenir un aide assistant, puis un assistant, un pédagogue, enfin un vrai moniteur fédéral. Un parcours qui peut vous mener à être diplômé d’Etat. L’Education nationale est le plus souvent impuissante face à la précarité scolaire. On arrive de notre côté à faire passer à de nombreux jeunes des formations pour pouvoir décrocher le brevet professionnel de la jeunesse et de l’éducation sportive. Ce qui leur permet d’accéder à des concours dans la fonction publique. »

Le samedi 27 août 2022, Yvan et les responsables de toute sa Team organisaient pour la troisième fois les « Spartiates Day ». Une opération, que le Covid avait fait descendre du ring ces dernières années, consistant à inviter le plus grand nombre à s’initier sur la place Bernard Cadenat aux sports de combat, à profiter de châteaux gonflables, participer à différents jeux et concours sportifs… Un événement réussi, amené à se développer ailleurs dans la Marseille, espère Yvan.

En véritable combattant, il est toujours en première ligne pour faire bouger les choses : « J’en ai marre de devoir enjamber des cadavres, à savoir des personnes capables d’aller au-delà de leurs limites mais qui se font avoir par manque de valeurs, repères, amour… Dès le plus jeune âge, si vous leur apprenez à être fidèle à ce qu’ils disent, à avoir un esprit de vainqueur, on ne pourra pas ou plus les enjamber. J’ai toujours voulu faire passer ce message. Et je me dis peut-être que plusieurs pensent à moi maintenant qu’ils sont plus grands et ont réussi dans la vie ? »

Photo de Une : Yvan Sorel, de dos, dans sa salle, face aux plus jeunes protégés de sa Team. Crédit : Team Sorel 

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