Cancer colorectal : la prévention, ça paie cash !

MProvence a réuni une dizaine d'experts de ce redoutable cancer hier à Avignon à l'occasion d'une conférence publique dans le cadre du mois de sensibilisation Mars Bleu. Le dépistage, associé à l'activité physique et à une alimentation riche en fibres, permet de réduire fortement le risque de développer cette maladie.

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Les visiteurs du soir hier à la Ligue contre le cancer du Vaucluse n’ont pas été déçus d’avoir fait le déplacement. Certes, il pleuvait dans la cité des Papes et il fallait un peu de détermination pour sortir de son canapé, mais la conférence organisée par MProvence et consacrée à la prévention du cancer colorectal en valait la peine. Pourquoi ? Pour une raison simple : on y a appris comment limiter le risque de contracter cette redoutable maladie qui a touché 47 000 Français supplémentaires en 2023 et en a tué plus de 17 000.

Première à ouvrir le feu, Anne-Marie Jouffroy-Bologna, la présidente de la Ligue vauclusienne : « Comment se fait-il que Mars Bleu n’arrive pas à la hauteur d’Octobre Rose ? » Et que le dépistage du cancer du côlon soit bien moins appliqué que celui du sein, y compris par les femmes elles-mêmes… Or ce cancer n’est pas genré, il tue indifféremment femmes et hommes.

Anne-Marie Jouffroy-Bologna, la présidente de la Ligue vauclusienne
Anne-Marie Jouffroy-Bologna, la présidente de la Ligue vauclusienne

Du sang dans les selles : jamais normal !

Pourtant, ce fléau de santé publique n’est pas une fatalité si on le prend au sérieux. Hormis les cas héréditaires et quelques autres situations particulières, ce cancer peut parfaitement se prévenir. C’est ce qu’ont expliqué les soignants et d’abord la Dr Clémence Lefevre, gastro-entérologue à la clinique Fontvert : « C’est la 2e cause de décès par cancer. Le but du dépistage est de détecter les polypes encore bénins pour éviter qu’ils ne se transforment en cancer. Le résultat du test FIT, que l’on fait chez soi en recueillant un peu de selles, présente un résultat négatif dans 96% des cas. » Ouf! Le pire est donc loin d’être sûr !

Le Dr Alban Benezech, gastro-entérologue au Centre Hospitalier (CH) d’Avignon, met toutefois en garde les plus de 50 ans : « Si on a une rectoragie – du sang quand on va à la selle – il faut toujours voir son médecin. » Ce sont peut-être des hémorroïdes qui saignent… ou une lésion pré cancéreuse. « Une personne sur 3 de plus de 65 ans a des polypes dans le côlon. Le test FIT permet de dépister ces lésions pré-cancéreuses qui ne sont donc pas encore des cancers. Toute personne qui a fait un polype refera sûrement un polype. Donc la surveillance est nécessaire. » Le médecin a montré, vidéo à l’appui, comment il retire ces polypes généralement bénins lors de la coloscopie (coloscopie indiquée si votre test revient positif, c’est-à-dire si on a trouvé du sang qui est d’ailleurs souvent invisible à l’oeil nu : donc ne vous fiez pas à votre oeil…).

Dr Alban Benezech, gastro-entérologue au Centre Hospitalier (CH) d'Avignon
Dr Alban Benezech, gastro-entérologue au Centre Hospitalier (CH) d’Avignon

Comment le test a sauvé la vie de 2 patients

La Dr Julie Sigrand du CH d’Avignon martèle qu’il ne faut « pas avoir peur de faire ce test ». Et s’il doit révéler un polype ou au pire un cancer, eh bien… il vous sauvera sans doute la vie ! Car alors vous serez soigné. Et dans 9 cas sur 10, un cancer colorectal dépisté précocement se guérit. La gastro-entérologue a rapporté le cas d’une patiente de 72 ans ne présentant aucun antécédent. Elle avait réalisé régulièrement le test de dépistage depuis ses 50 ans, conformément aux préconisations. Et bingo (malheureusement) !

En décembre 2023, son test est revenu positif. La coloscopie effectuée en janvier dernier a montré une lésion ulcéro-bourgeonnante du bas fond coecal et deux polypes ont été retirés. Puis elle a subi une ablation du côlon droit et est sortie après trois jours d’hospitalisation. Aujourd’hui : tout va bien.

La poche à excréments… est évitée !

Le Dr Pierre Trémolières, onco-radiothérapeute à l’Institut Sainte-Catherine, révèle le cas d’un homme de 69 ans, ancien travailleur de l’industrie. Son test de dépistage est revenu positif en septembre dernier. « Rétrospectivement, il a décrit quelques épisodes de sang à l’essuyage (après être allé à la selle) ». Mais cela ne l’a pas alerté. S’est enchaînée la coloscopie en octobre qui a révélé une tumeur du très bas rectum avec un stade très localisé. Il a bénéficié d’une radio-chimiothérapie à Avignon puis d’une contact-thérapie à Nice pour éradiquer la tumeur.

Le grand avantage de ces techniques est qu’elles ont évité au patient la chirurgie avec ablation du rectum, et donc l’implantation à vie d’une stomie, une poche, pour recueillir les excréments.  Là encore, que faut-il en retenir ? Que si ce sexagénaire n’avait pas fait le test de dépistage, l’histoire se serait sans doute très mal terminée pour lui. « Aujourd’hui il bénéficie d’une bonne qualité de vie« , souligne le médecin. Maîtriser ses sphincters est en effet la base de la vie en société…

Le Dr Laurent Mineur, oncologue à Sainte-Catherine, a détaillé les parcours de soins, parfois très longs. « Les traitements durent entre 6 mois et un an bien souvent. »

Dr Laurent Mineur, oncologue à Sainte-Catherine
Dr Laurent Mineur, oncologue à Sainte-Catherine

Mais la commande en ligne du test patine…

Le Dr Claude-Pierre Gauthier, médecin coordinateur du Centre régional de dépistage des cancers Sud-Paca, se désole pourtant de la faible participation des Provençaux à ce test : seule une personne sur 3 de plus de 50 ans le réalise tous les deux ans après avoir reçu l’invitation de l’Assurance Maladie. « On n’a gagné qu’un demi-point de participation en France. On pensait que la commande en ligne sur Ameli.fr ferait bondir la participation, mais ça n’a pas été le cas, et encore moins dans les départements ruraux. » D’où la nécessité d’informer au plus près de la population, sans relâche.

C’est le travail que réalise notamment la Ligue contre le cancer. Durant ce mois de mars, ses bénévoles tiennent des stands dans les villes et villages du Vaucluse pour informer. Et collecter de l’argent. « La Ligue est le premier contributeur à la recherche médicale en France« , insiste Mme Jouffroy-Bologna.

Chacun peut limiter le risque de cancer

Le plus important peut-être, c’est la capacité qu’a chacun d’entre nous de modifier son comportement. Par l’alimentation d’abord, comme l’a rappelé la diététicienne de l’hôpital d’Avignon, Cloé Bonnafé. Qui met d’abord en garde contre l’alcool en soulignant que 8% des cancers ont un lien avec le vin, la bière, les alcools forts, peu importe le flacon. « C’est 6 600 cas de cancers colorectaux par an. Et le risque est accru si on est fumeur. » Conseil : pas plus de 2 verres par jour, avec au minimum deux jours consécutifs dans la semaine sans boire une goutte.

Vive les fibres…

Les fibres alimentaires : voilà un atout anti-cancer ! 4 700 cas seraient dus à leur faible consommation. « Elles ont un rôle protecteur de l’intestin dans la sécrétion d’insuline et l’insulinorésistance, dans la régulation du transit, du microbiote. Elles exercent également un rôle protecteur contre le surpoids et l’obésité » (qui favorisent le développement des cancers). Bémol de taille : il est recommandé de consommer 30 grammes de fibres par jour, une quantité difficile à atteindre reconnaît la diététicienne. « Avec 5 fruits et légumes, on est à 15 grammes. Notre estomac dit stop à un moment… » Mme Bonnafé encourage alors à consommer des légumineuses (pois, lentilles…) et des produits complets (pâtes, riz, pain…).

Marion Pitala, pour la Ligue, a détaillé les ateliers de cuisine thérapeutiques proposés aux patients. Ils bénéficient de consultations individuelles sur le sujet pour adapter leur alimentation à la maison. Cette activité, de même sur l’activité physique adaptée, est gratuite.

Eviter l'obésité

Et l’activité physique !

L’éducatrice spécialisée en activité physique de l’Institut Sainte-Catherine, Clémence Mugica, a plaidé pour que chacun d’entre nous fasse 30 minutes de marche – un peu soutenue quand même -, vélo, natation ou un autre sport, chaque jour, avec en prime deux séances hebdomadaires de renforcement musculaire. Il faut faire travailler tout son corps, bras compris ! « Il faut être un peu essoufflé quand vous faîtes une activité. Pratiquer un mouvement pendant au moins 10 minutes a un effet bénéfique. On diminue de 20% le risque d’avoir un cancer colorectal grâce à l’activité physique, qui également accélère le transit. » Il convient aussi de ne pas rester assis plus de deux heures.

On vous l’a dit dans le titre de cet article : la prévention, contre le cancer colorectal, ça paie cash !

 

 

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