Christian Grimaud, le maître des abeilles

Apiculteur dans le Queyras et l’Embrunais, il espère dépasser la tonne de miel produite en passant de 50 à 80 ruches. Un cheptel qui fait de lui un amateur plus qu’éclairé.

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Quand vous demandez à un apiculteur d’expliquer son intérêt pour les abeilles et leur miel, la réponse est invariable : « la passion pardi ! ». Oui, le « couple » apiculteur/abeille (ou apicultrice/abeille) ne s’explique que par une relation étroite, une symbiose même.

Christian Grimaud est très attentionné tout au long de l’année pour ses ruches et leurs occupantes. ©MF

Lavandes et abeilles

Sur les hauteurs d’Embrun, Christian Grimaud est à la fois un pas­sionné et un amateur éclairé en matière d’apiculture. Certes, il faut distinguer l’amateur du profes­sionnel, mais ils ont en commun leur intérêt pour l’insecte qui parti­cipe tant à la vie des hommes. Sans pollinisateurs, en parti­culier les abeilles, c’est en effet l’alimenta­tion des occupants de la planète Terre qui serait remise en question. Rien de moins !

Natif de La Roche-des-Arnauds, âgé aujourd’hui de 63 ans, Christian Grimaud a vécu dans une famille nombreuse, au côté des ovins qu’éle­vait son père. « Il y avait aussi de la lavande fine, que nous coupions à la serpe et qui était distillée dans l’alambic familial. » Et quand on dit lavande, les abeilles ne sont jamais loin.

Là est née, sans nul doute, la passion qui conduira plus tard à la constitution d’un rucher. « Je me suis orienté professionnellement vers le BTP durant quarante années, raconte-t-il. J’ai toujours eu une dizaine de ruches, avec l’objectif de mettre plus de ruches à la retraite. »  Cette idée chevillée au corps, il l’a mise désormais en application. Il possède aujourd’hui une cinquantaine de « maisons d’abeilles » et a pris la déci­sion de porter ce nombre à quatre-vingt. « Pas davantage, prévient-il, car je veux quand même profiter de ma retraite et de la vie familiale. Je me limite. » Pas complètement néan­moins, puisqu’il se lance simultanément dans le séchage de plantes desti­nées à des infusions.

Une production 100 % locale

Une nouvelle période active a toutefois débuté pour lui. Au point d’être devenu exploitant agricole grâce aux terres de son épouse. Quant au diplôme nécessaire pour s’installer, il l’avait acquis au terme de ses études de technicien agricole, avant de chan­ger d’orientation professionnelle. Jusque là, il avait suivi le parcours somme toute standard de l’apicul­teur-type.

Dans la catégorie inter­médiaire de celui qui en possède quelques-unes, loin de celui qui en fait son métier avec plusieurs centaines de ruches. « Actuellement, je suis en mesure – ou plutôt mes abeilles sont en mesure – de produire 800 kg de miel. En augmen­tant mon cheptel d’une vingtaine de nouveaux essaims, j’envisage 1000 à 1200 kg par an, voire un peu plus en fonction des conditions climatiques et du fleurissement de la végétation. Tout ne dépend donc pas de l’apiculteur et de ses milliers d’auxiliaires ! »

Christian Grimaud a choisi une option qui lui tient à coeur : le localisme. « Je laisse mes ruches dans le départe­ment, martèle-t-il, contrairement à beaucoup qui transhument en Provence ». À sa manière, il met en pratique une tendance qui s’affirme : consommer moins de carburant et manger local. Un véritable credo pour lui.

Du travail sur toute l’année

Ses ruches hivernent dans à Embrun et Châteauroux-les-Alpes. « À la belle saison, je les déplace à Saint-Jean-des-Crots et à Ceillac, raconte-t-il. J’en ai quelques-unes dans un verger biologique vers Le Poët, à proximité de Sisteron, sous forme d’un échange avec un arboriculteur pour favoriser la pollinisation. » Le miel produit à Ceillac est vendu sur place et celui de l’Embrunais sur le marché de Savines-le-Lac, pen­dant la saison touristique.

Son travail débute par l’hivernage. « Dès septembre, il faut donner aux abeilles un nourrissement complé­mentaire qui favorise la ponte de la reine en septembre/octobre. La population d’abeilles redémarre et l’abeille née durant ces deux mois aura une durée de vie de six mois. À compter du mois de novembre, je les laisse tranquilles, elles se serrent à l’intérieur de la ruche, détaille-t-il. J’assure simplement une surveil­lance. Et je prépare le matériel pour le printemps. Je fais de nouveaux essaims. Plus tard, j’envisage de sui­vre un stage de formation pour maî­triser l’élevage de reines. Une constante chez Christian Grimaud, qui s’astreint à des formations pour se perfectionner, à l’instar d’un stage sur les plantes.

« Au début du mois de février, poursuit-il, je sou­pèse chaque ruche pour évaluer le poids et, si besoin, donner un com­plément alimentaire. Puis, dès que la température extérieure atteint 15 à 16 degrés, j’ouvre les ruches et les abeilles sortent progressivement de leur léthargie. Bien sûr, il peut y avoir des pertes de cheptel en hiver. »

© MF

La sécheresse inquiète

Une nouvelle saison débute alors pour les travailleuses qui convoitent les premiers nectars. Les noisetiers, les pissenlits, les fruitiers comme les ceri­siers ou les pruniers, qu’ils soient sauvages ou cultivés… rien n’échappe à leur appétit.

Cette année, pourtant, c’est l’inquiétude qui prédomine. Le manque de précipitations des derniers mois met en effet  le monde agricole sous pression et les apiculteurs n’y échap­pent pas. Le récent épisode plu­vieux les a quelque peu rassu­rés, mais tous attendent mai et juin, des mois propice à la pluie, avant de se prononcer.

En attendant, Christian Grimaud a effectué les interven­tions nécessaires sur ses ruches, notamment la pose de nouveaux cadres avec de la cire neuve ; « c’est un bienfait sanitaire et à la mi-mai, je mets les hausses dans lesquelles les abeilles vont produire leur miel », explique-t-il encore.

Récupération d’un essaim formé sur une branche de gui. ©MF

Courte transhumance

Début juin, il sacrifie à la courte transhumance annuelle. De la rive droite de la Durance à la rive gauche pour la proche destination de Saint-Jean-des-Crots ; une petite quinzaine plus tard pour le Queyras et Ceillac.

Lors de notre visite sur le rucher embrunais, Christian Grimaud récu­pérait un essaim formé la veille hors d’une ruche. « Une reine est sortie ! », confie-t-il. Si elle a pris la poudre d’escampette, elle et son essaim aussitôt formé sont récupérés et placés dans une ruche provisoire. Une opération habituelle que sup­portent avec bonne humeur les abeilles.

En conclusion, Christian Grimaud livre une réflexion personnelle : « L’apiculteur amateur reproduit ce que la nature fait ; le professionnel, lui, anticipe. » Une complémentarité qui devrait convenir au plus grand nombre.

Maurice Fortoul

Photo de une : Christian Grimaud est très attentionné tout au long de l’année pour ses ruches et leurs occupantes ©MF

L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin.fr

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