Diabète, hypertension, cancer : doucement sur le sucre et le sel !

Nous avalons deux fois trop de sucre et de sel chaque jour à cause de notre alimentation ultra transformée. Surconsommés, ces aliments provoquent de graves maladies. Voici les conseils de la Dr Lise Dufaitre, endocrinologue à l'Hôpital Saint-Joseph de Marseille. Oui aux tartines beurrées et à la confiture, gare à l'abus de saucisson !

Santé

Les campagnes sanitaires du gouvernement nous incitent depuis des années à consommer moins de sucre. Consomme-t-on vraiment trop de sucre ? Est-ce un sérieux problème ?

Dr Lise Dufaitre : Tout à fait ! C’est un sérieux problème. Nous consommons trop de sucre, trop d’aliments puisque la population mondiale voit une épidémie d’obésité, de diabète de type 2 qui ne cesse de s’aggraver. Donc les pouvoirs publics sonnent l’alerte. On a des recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

Tout part d’une bonne intention après 1945 !

Mais pourquoi, justement, trouve-t-on tant de sucre dans notre alimentation ? Quelle est l’origine de cela ?

L’origine se trouve certainement après la 2e Guerre Mondiale : on a une population qui est carencée, qui est dénutrie, et aux États-Unis et en Europe on essaie de rapidement donner de l’énergie à cette population. Et donc l’agroalimentaire va se mettre en place pour créer une alimentation qui donne envie de manger. On s’est rendu compte qu’en rajoutant du sucre, du gras et du sel, on augmentait l’appétence. Donc on augmentait la prise alimentaire. Sauf que pour le marché international et financier, c’est une belle aubaine. On ne cesse de créer des aliments qui donnent faim et donc on les enrichit.

Cela signifie-t-il qu’avant la guerre, l’alimentation était moins sucrée, et du coup on mangeait mieux ?

Le sucre blanc doit dater de la fin du 18e siècle ou du 19e. Ce n’était pas quelque chose qui était consommé dans la population. Ces alimentations transformées et de nos jours ultra transformées n’existaient pas.

« Le sucre est diabolisé à juste titre »

On a l’impression que le sucre est aujourd’hui considéré comme  un « poison » pour nos artères, pour nos organes. Comment agit le sucre sur notre corps ?

Le sucre est diabolisé à juste titre. On en prend trop. Les sucres simples créent une dépendance. La population est confrontée à des messages qui ne sont plus très clairs. Le sucre n’est pas dangereux quand on prend les glucides puisque c’est indispensable pour la vie. C’est notre carburant. Sans sucre, on ne peut pas vivre. Différents sucres sont intéressants : l’amidon, les céréales, tous les sucres nécessitant une transformation dans la digestion sont intéressants. Les sucres rapides – comme le sucre blanc qu’on trouve dans les sodas, dans tout ce qui peut être aliment ultra transformé où on rajoute des sucres -, ceux-là ne sont pas bons. Puisqu’ils créent justement l’envie, ils créent l’obésité, qui crée des problèmes cardiovasculaires ou des cancers.

Des études scientifiques pointent l’impact d’une alimentation riche en sucre dans le développement de certains cancers, parce qu’il favorise le surpoids, l’obésité. Ce sont des facteurs de risques connus pour les cancers de l’oesophage, du pancréas, du foie, du rein, du côlon, parce qu’il induit une production d’insuline importante. Est-ce réel, cette relation entre sucre et cancer ?

Tout à fait ! L’obésité est clairement un facteur de risque pour faire des cancers notamment colorectaux et autres. L’insuline est une hormone anabolisante, elle stimule la production des cellules donc elle peut tout stimuler. Un excès dans le sang est forcément néfaste.

Ne bannissons pas le sucre blanc…

Vous avez expliqué que le sucre est essentiel, vital au fonctionnement de notre organisme, et que sans sucre on ne pourrait pas vivre. Quel sucre faut-il privilégier, à partir de quels aliments ?

Comme pour toute chose, il faut un équilibre. Il n’y a pas à bannir le sucre blanc ! On peut aimer un bonbon, une bonne pâtisserie. On peut boire avec plaisir un jus de fruits. Le problème actuellement, c’est la quantité et l’équilibre. Evidemment, il faut associer des légumes complets, des céréales, des légumineuses principalement, qui sont assez riches en protéines aussi pour éviter l’excès protéique. Notre alimentation doit associer des légumes, des céréales, un peu de sucre raffiné et, tout ça, c’est tout à fait agréable.

« Méfiez-vous des produits allégés »

Si on veut continuer à donner des conseils à nos lecteurs et à nos auditeurs – et le sucre étant un aliment plaisir comme vous venez de le dire – que peut-on recommander ? Je vous donne des exemples : la confiture sur le pain, le sucre dans le café ou dans le fromage blanc et les gâteaux maison, est-ce un problème ?

Non ! Mais par contre méfiez-vous de l’agroalimentaire et des produits qui sont soit-disant allégés. Si on allège d’un côté, on surcharge d’un autre. Faire une bonne confiture avec du vrai sucre blanc, c’est tout à fait agréable et ce n’est pas mauvais si on n’en consomme pas un kilo par jour. 2 tartines avec du beurre et de la confiture, c’est français, c’est très bien. Si on veut améliorer ce qu’on appelle l’index glycémique, donc la quantité de sucre qui va arriver dans le sang, on va privilégier du pain complet, du vrai pain. Le pain de mie étant un aliment transformé. Donc on prend le pain chez le boulanger. On ajoute du beurre parce que c’est meilleur pour la digestion et on associe un fromage blanc ou un yaourt pour avoir un petit peu de lipides et de protéines. Et là vous avez un très bon petit-déjeuner  !

Beurre + confiture : c’est tout bon !

Moi j’ai des scrupules à mettre du beurre sous ma confiture. Je me dis que ça fait trop. Vous, vous dites le contraire !

Il faut du gras. Il faut du beurre. Comme toujours, ce sont les quantités qui sont problématiques. On n’a pas dit de mettre la tablette !

Et on rajoute quand même un fruit le matin à ce petit-déjeuner ?

Si on prend les sucres rapides et blancs, on peut mettre un sucre dans son café s’il est associé à une alimentation. Si on prend un sucre dans la matinée dans son café, là c’est c’est dommage puisqu’on va le digérer tout de suite. Préférez prendre votre sucre dans le café le matin, quand vous associez votre pain, votre fromage blanc et votre fruit. C’est un bol alimentaire qui est bien meilleur pour ce qu’on appelle l’index glycémique et donc la stimulation de cette hormone, l’insuline, qui n’est pas très bonne quand elle est sur-stimulée.

On mange 2 fois trop de sel

Que pensez-vous des substituts au sucre comme les édulcorants ? Les recommandez-vous ?

Ils sont très utiles à petite dose puisqu’ils permettent justement d’avoir un apport de sensation sucrée et notamment pour le café en dehors du repas, si vous n’aimez pas le café sans sucre. Mettre une sucrette, ça n’a jamais fait de mal à personne. Des études ont montré que si vous buviez plus de 3 à 4 litres de boissons avec édulcorant, ça finissait par donner mal au ventre. Après, il faut arrêter de tout diaboliser. Pour autant, il faut rester dans des consommations simples et pas des kilos !

Venons-en maintenant à un autre aliment très décrié : le sel. Consomme-t-on trop de sel dans notre alimentation en 2024 ?

Tout à fait ! L’OMS tire la sonnette d’alarme. La population consomme à peu près 2 fois trop de sel dans dans son alimentation. Les recommandations sont actuellement pour un adulte à peu près de 5 grammes, soit une cuillère (à café) de sel par jour. Il y en a dans tous les produits transformés. Quand vous mangez de la charcuterie, quand vous mangez des conserves, quand vous mangez des plats préparés, il y a un rajout de sel puisque ça va vous donner envie d’en manger plus. Le sel attire le sel.

Mais ça, c’est nouveau aussi, c’est comme pour le sucre ?

Comme pour le sucre. C’est nouveau, ça a été encore majoré après la la Seconde Guerre mondiale.

Le sodium est indispensable au cerveau

Est-ce que, comme le sucre, le sel est essentiel à notre équilibre ?

Ah oui ! C’est indispensable. C’est un équilibre dans le corps humain. On a besoin d’avoir notre dose de sodium. Sans quoi notre cerveau ne pourrait pas fonctionner.

Pris en trop grande quantité, quelles maladies favorise-t-il ?

Principalement l’hypertension et les maladies cardiovasculaires. Ensuite, dans des pathologies chroniques comme l’insuffisance rénale, cela l’aggrave puisque ça donne de la tension. C’est vraiment le problème cardiovasculaire et tensionnel (qui est le plus important).

« Méfiez-vous du pain précuit en supermarché »

De quels aliments devons-nous nous méfier ? Je pense à la baguette de pain, aux sachets de nouilles prêts à consommer. On voit que les gens mangent plein de sachets de nouilles aujourd’hui, les charcuteries évidemment, les Cordons Bleus, les chips…

La charcuterie, c’est salé. Normalement on ne mange pas tous les jours de la charcuterie. Le pain, c’est chez le boulanger. Peut-être que de temps en temps, il met un petit peu trop de sel. Mais vraiment, ce dont on doit se méfier, c’est tous les produits que vous trouvez dans les supermarchés où tout est prêt. Parce que là, ce sont des aliments ultra transformés. Il y a un rajout de sel et un rajout de sucre et un rajout d’acides gras en général. Ne vous méfiez pas de votre boulanger, méfiez-vous de votre pain précuit que vous trouvez en supermarché.

Trop de sel dans l’alimentation pour enfants

Doit-on se méfier du snacking ?

Complètement ! C’est ce qu’on appelle la fast-food. Quand vous prenez des nuggets, les aliments des enfants. Malheureusement, ce sont eux qui devraient avoir le moins de sel dans leur alimentation et c’est l’alimentation qui est peut-être la plus salée ! Les nuggets, les produits que vous pouvez trouver comme les bâtonnets en tout genre,  tout ce qui est dans les sachets, que vous avez juste besoin de mettre au micro-ondes ou de rajouter de l’eau.

Est-ce qu’on sale trop les plats qu’on consomme ?

Si vous les faites maison, je ne pense pas. Ce sont vraiment les produits que vous achetez tout prêts.

La cuisine familiale, c’est la meilleure !

Par quoi, par quel condiment par exemple, conseillez-vous de remplacer le sel si on aime ce goût un petit peu relevé ?

Les épices. Après, chacun va faire sa cuisine en fonction de sa culture. Mais c’est vrai que mettre des épices, souvent ça permet d’éviter de mettre trop de sel pour ceux qui ont vraiment besoin de faire une consommation moindre. Le message c’est : « faites-vous à manger avec des produits simples ». C’est-à-dire les légumes, vous les achetez; les tomates, vous les faites revenir avec des oignons pour faire votre sauce aux tomates. Et vous mettez des assaisonnements avec de la moutarde plutôt que d’acheter des assaisonnements tout faits.

Essayons de faire comprendre que la nourriture, c’est le plaisir. C’est vraiment important et on doit arrêter de stigmatiser la personne qui va trop manger, mal manger. Evidemment qu’il y a des aliments qui ne seront pas forcément très bons pour notre santé, mais essayons de les repérer. Pour ça, on a des index qui sont sortis avec les recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé). Donc informez-vous, prenez plaisir et essayez au maximum de cuisiner en famille. Quand vous êtes pressé, des petites salades vite faites c’est toujours mieux que des sachets dans lesquels vous allez rajouter de l’eau et que vous allez passer au micro-ondes.

L’huile d’olive d’accord, mais modérément…

Donc ce qu’on appelle les « plats de grand-mère » par exemple, ce sont des choses que vous recommandez ?

Bien-sûr ! Mais pareil, ça dépend. Si vous mangez votre gratin dauphinois tous les jours avec votre saucisse aux lentilles, derrière il va falloir faire beaucoup d’activité physique ! Car c’est quand même riche. C’est-à-dire qu’on va avoir d’une part les aliments ultra transformés qui vont générer des problèmes cardiovasculaires. Mais après on a une alimentation riche en gras et en sucre qui est quand même calorique, même si elle est de bonne qualité. On dit que l’huile d’olive c’est très bon, surtout dans notre région. Donc on met la bouteille et on oublie de mettre la cuillère dessous… Mais elle est aussi riche que l’huile de palme ! Par contre, elle est de meilleure qualité.

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