La transhumance, une tradition qui s’ancre dans la modernité

Chaque année, plusieurs centaines de milliers de bêtes prennent le chemin des alpages des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence, en camion ou à pied. Tradition ancestrale, la transhumance nécessite aujourd'hui de nombreux aménagements pour respecter à la fois les territoires et ceux qui y travaillent.

société

Partie intégrante de la tradition provençale depuis le Moyen-Âge, la transhumance est bien plus qu’un événement folklorique et festif. Elle trouve ses origines dans la nécessité pour les éleveurs de trouver des espaces où nourrir leur troupeau en suivant la maturation de l’herbe. Elle leur permet de pallier à moindre frais la raréfaction des pâturages en plaine et d’épargner aux bêtes les fortes chaleurs de l’été.

En 2021, ce sont plus de 196 000 ovins qui ont pris la route depuis les départements provençaux vers les Alpes-de-Haute-Provence et plus de 183 000 vers les Hautes-Alpes. La plupart venait des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse.

Au fil des siècles et de la démocratisation de la pratique, les alpages ont été aménagés afin d’apporter du confort aux bergers et plus de sécurité aux troupeaux. Notamment depuis le retour du loup en montagne, qui a obligé les éleveurs à s’adapter et à changer leurs méthodes de travail. Ils doivent également s’adapter au réchauffement climatique, qui pèse sur la ressource en eau et les oblige parfois à abandonner des pâturages, faute d’herbe en quantité suffisante. Ils montent ainsi toujours plus haut et déplacent leur troupeau plus souvent. Les éleveurs doivent aussi tenir compte des exigences des bergers, dont les aspirations et les besoins ont changé avec les évolutions sociétales.

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Jausiers fête la transhumance sur l’itinéraire de La Routo

La sécheresse inquiète

En juillet, de nombreux troupeaux ont déjà rejoint leurs quartiers d’été. Cette année, la chaleur exceptionnelle n’a pas modifié les dates de montée en alpage, qui nécessite une organisation complexe, entre la réservation des camions et les fenaisons qu’il faut mener à leur terme. « L’herbe était assez mûre, explique Clémence Delaye, éleveuse dans les Alpes-de-Haute-Provence et élue à la chambre d’agriculture. Par contre, nous constatons déjà un manque d’eau et beaucoup d’incertitudes planent sur la suite de la saison. Cela n’était jamais arrivé. Il y a de l’herbe en altitude, mais elle risque de sécher sur pied s’il ne pleut pas. Les quartiers d’août risquent ainsi d’être maigres. Des torrents ou des sources sont déjà secs. Il n’y a plus de glaciers ou de névés. Avec ces chaleurs, les bêtes aimeraient manger la nuit, mais avec le loup, elles sont parquées et nous ne pouvons pas les garder au-delà de 22 heures », poursuit la jeune femme.

Pour pallier cette sécheresse précoce, les alternatives ne sont pas nombreuses, d’autant que la règlementation rend le captage des sources plus compliqué, car l’État impose des contrôles sanitaires drastiques.

De nouveaux profils

Le profil de bergers a changé, la réglementation aussi, et leur emploi est devenu un sujet épineux pour les éleveurs, qui ont de plus en plus de difficultés à les fidéliser et à répondre à leurs exigences. Monter un troupeau à l’estive, c’est l’amener dans un nouvel environnement, loin de ses infrastructures habituelles.

Pour l’eau, il existe plusieurs moyens de la rendre accessible : les impluviums pour récupérer les eaux de pluie, les captages de sources, les citernes, les abreuvoirs, etc. S’il n’existe pas de point d’eau à proximité de la cabane il va falloir aller la chercher plus loin.

Dans les Alpes du sud, la production animale requiert beaucoup moins d’eau que d’autres productions, d’autant que les races rustiques qui y sont élevées valorisent une ressource en herbe même asséchée. La production de viande est donc très économe en eau.

Cabane héliportable

Plus de 700 cabanes dans le 04 et le 05

Le Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée (Cerpam) est responsable de la mise en oeuvre et de l’entretien de nombreux aménagements pastoraux,  et notamment des 690 cabanes des deux départements alpins – les Alpes-de-Haute-Provence en ont 330 et les Hautes-Alpes 360.

Les contraintes climatiques et sociales obligent à des aménagements. Il faut ainsi souvent une deuxième cabane pour  exploiter les différents quartiers d’été. Dans ce cas, on s’efforce de réaménager d’anciennes cabanes ou d’en créer de nouvelles. La pression de la prédation a également obligé le Cerpam à accélérer la réalisation de ces aménagements.

Une attention accrue est également portée au confort des bergers et aux normes pour ces cabanes. Celles confiées aux bons soins du Cerpam font toutes au minimum 15 m² habitables. Elles disposent de l’eau courante, d’un chauffe-eau, d’une douche, d’un poêle et de panneaux photovoltaïques pour alimenter un frigo et une ampoule. La politique publique permet de financer ces aménagements à hauteur de 75 % grâce à des subventions. Actuellement, une quinzaine de chantiers sont en cours dans chacun des deux départements, dont certains ralentis par la crise sanitaire et les soucis d’approvisionnement en matériaux.

Le Cerpam s’occupe également d’entretenir les pistes d’accès aux alpages, d’autant qu’il est toujours difficile d’en ouvrir de nouvelles, selon Olivier Bonnet, ingénieur pastoraliste au Cerpam dans les Alpes-de-Haute-Provence. « Ce sont des dossiers assez lents à mettre en place, regrette-t-il, expliquant que des fois, il y a une vraie nécessité professionnelle, mais on ne peut pas en mettre partout. »

L’association s’occupe aussi du débroussaillage, afin de maintenir la ressource pour les années à venir et éviter la fermeture des milieux. Son rôle est de trouver des leviers pour maintenir un équilibre entre les milieux ouverts et fermés et de maintenir la biodiversité à l’échelle régionale. Pour cela, le Cerpam travaille avec l’Inrae.

La transhumance est importante dans la vie des exploitations pour la pérennité de la production. Elle est donc l’objet de toutes les attentions et marque un moment charnière de la vie des élevages provençaux.

Alexandra Gelber

 

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L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin.fr

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