Même si la qualité d’accueil et de prestations dans les stations et l’enneigement, naturel ou artificiel, sont le plus souvent au rendez-vous, même si en été, les équipements, notamment ceux du lac de Serre-Ponçon, font merveille pour séduire les touristes, la variété et l’ouverture de l’offre sont indispensables.
Des acteurs prennent donc le relais pour proposer aux visiteurs une gamme complète de rendez-vous et de haltes touristiques liés aux richesses du terroir, souvent gastronomiques, comme vous avez pu le constater dans les deux précédents épisodes de cette enquête,
Mais cette offre s’exprime aussi en des projets extraordinaires, décalés et, osons le mot, dantesques, comme la reconstitution, au sein même de la forteresse de Mont-Dauphin, grâce au prêt exceptionnel des œuvres de l’artiste sénégalais Ousmane Sow, de la célèbre bataille de Little Big Horn en 1876, entre les Indiens et la cavalerie américaine emmenée par le général Custer.
Un secteur du tourisme apte à se remettre en cause
L’évolution de Mont-Dauphin, cité fortifiée par Vauban, démontre si besoin était que les professionnels du tourisme ont changé leur fusil d’épaule et sont désormais conscients de la nécessité de diversifier l’offre touristique, notamment dans le cas où, l’hiver, les trop belles journées amènent les vacanciers à quitter les stations pour descendre un peu plus bas dans la vallée à la recherche d’animations.
La réputation de Mont-Dauphin, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco au titre des fortifications de Vauban, n’est certes plus à faire. L’endroit est reconnu depuis des lustres, comme l’un des joyaux de l’architecture militaire.
Ce village, qui porte le titre du fils du roi, érigé à la fin du XVIIe siècle après les intrusions du duc de Savoie, venu piller la région en passant par le col de Vars, est édifié à quinze kilomètres de la frontière et à mille mètres d’altitude.
Dans ce paysage austère, il était nécessaire de limiter les risques de désertion et une vie sociale fut donc organisée très rapidement. Cette spécificité fait de Mont-Dauphin un lieu exceptionnel, qui attire encore les militaires dans de confortables résidences de vacances pour leurs familles ou leurs enfants.
Comme dans bien d’autres endroits en France, l’aspect dissuasif des fortifications de Vauban a suffi : le site n’a jamais été attaqué et dès les traités d’Utrecht en 1713, Mont-Dauphin n’a plus présenté d’intérêt stratégique réel.
Malgré cela, les amateurs d’architecture militaire pourront s’en donner à cœur joie et passer des heures dans la forteresse à redécouvrir ou imaginer poudrières, arsenal et autres casernements…
Une exposition innatendue en un tel lieu
Des travaux spectaculaires et des restaurations magnifiques donnent à ce lieu impressionnant une majesté incomparable.Le petit village en lui-même, aux rues tracées au cordeau et auquel on accède par un pont-levis, à la porte de Briançon, comporte une entrée idéale pour se projeter en un instant dans l’histoire… et pour profiter des ressources du lieu, qui regorge en saison de tables sympathiques et d’échoppes touristiques.
De tout temps, et aujourd’hui aussi, Mont-Dauphin a fait vivre les habitants de la région, même si le village conçu pour accueillir mille personnes n’en a jamais abrité plus de 800 et si la présence effective de l’armée n’est plus qu’un lointain souvenir. Il ne faut donc pas se contenter de découvrir, au détour de la route ou en surplomb au-dessus de Guillestre, le formidable décor proposé par Mont-Dauphin, mais pousser la curiosité jusqu’à passer au minimum une demi-journée dans ce lieu inoubliable.
D’autant, qu’avec beaucoup de volonté, et une prise de risque mesurée mais réelle d’exprimer en ce lieu le mélange des civilisations et le choc des cultures, Mont-Dauphin abrite donc l’exposition de la célèbre bataille de Little Big Horn, connue certes de tous les amateurs de westerns, mais, bien au-delà, symbole de la lutte des peuples opprimés pour leur liberté.
En magnifiant la caserne Rochambeau, et notamment sa superbe charpente en berceau conçue en 1819 selon les plans du célèbre architecte Philibert Delorme, le Centre des monuments nationaux a offert un écrin prestigieux à l’œuvre monumentale du sculpteur sénégalais Ousmane Sow, bien connu dans notre région, notamment par l’amitié qui le liait au chef d’entreprise et mécène aptésien Jean-Paul Blachère.
Les trente-cinq sculptures composant cette fresque terrible et poignante se découvrent au gré d’un parcours lent et mesuré. Les œuvres sont réalisées à partir d’une structure en fer à béton. Emplies de paille et de plastique fondu, modelées puis recouvertes d’une toile de jute enduite d’une matière dont Ousmane Sow, disparu en 2016, gardera le secret, mais qui donne une expression littéralement impressionnante et pour tout dire inoubliable aux corps entremêlés.
Les muscles saillants, y compris ceux des chevaux, l’expression des visages, la qualité de la reconstitution des tenues des indiens et des militaires, mélangés souvent dans des corps-à-corps réalistes, tout facilite l’immersion, d’autant que l’endroit n’est pas linéaire et qu’un coude de la caserne donne tout son sens à la déambulation.
Une exposition installée pour 10 ans
On y vit en effet, et c’était la volonté de l’artiste, la débandade des troupes du général Custer, l’épuisement des combattants, la vanité des hommes, l’inanité des guerres… La célèbre allégorie de Victor Hugo, « la déroute, géante à la face effarée » n’aura que peu souvent connu illustration aussi réaliste.
Cette exposition sera visible pendant dix ans ans grâce à ses mécènes, en l’occurrence Eiffage, le groupe CMA CGM, Bolloré et la fondation du Crédit Agricole Alpes-Provence, soucieux que la diffusion de la culture ne s’arrête pas aux portes des grandes villes.
LITTLE BIG HORN LA DERNIERE GRANDE VICTOIRE INDIENNE
L’exposition phénoménale de l’œuvre d’Ousmane Sow : « la bataille de Little Big Horn » retrace donc un combat qui semblait perdu d’avance, celui des Indiens d’Amérique du Nord contre la cavalerie américaine.
Nous sommes le 25 juin 1876 et le Général George Armstrong Custer, à la tête très précisément de 647 soldats, veut régler à lui tout seul la question indienne, en attaquant les positions des Amérindiens et un de leurs villages, situé au bord de la rivière Little Big Horn dans le Montana.
Depuis deux ans, l’armée américaine a été chargée par le ministère de la guerre de déporter les tribus Sioux et Cheyennes dans des réserves, une politique qui va à l’encontre d’un accord signé en 1868 à Fort Laramie, dans le Wyoming.
Celui-ci stipulait que les Indiens ne seraient pas inquiétés sur leur terre « tant que le soleil brillera et que l’herbe poussera. »
Las…, la découverte d’or dans les Blacks Hills en 1874, complique la donne et déclenche les hostilités.
Le général Custer, qui agit sur les ordres d’une figure de la Guerre de Sécession, le général Sheridan, est chargé à 36 ans de mater la révolte. Acteur de fait d’armes pendant le conflit entre nordistes et sudistes, notamment lors de la sanglante bataille de Gettysburg, Custer est un général jeune, mais très expérimenté. Custer est aussi une forte tête.
Lors de sa formation dans la prestigieuse académie militaire de West Point, il est passé deux fois devant la cour martiale et a accumulé la bagatelle de 726 avertissements ! Ce général à la bravoure incontestable, mais qui n’en fait qu’à sa tête a décidé en ce début d’été 1876 qu’il fallait aller vite. La bataille de Little Big Horn sera son cimetière. Côté indien, c’est le glorieux Sitting Bull , chef suprême des Sioux qui est à la manœuvre. Lors d’une danse du Soleil , il a la vision d’une armée de soldats qui viendrait attaquer le village situé le long de la rivière Little Big Horn. C’est ce qui se produit ce 25 juin 1876 .
Custer a séparé ses hommes en plusieurs détachements . Son idée est d’encercler puis d’anéantir le village, mais il n’a pas prévu ou vraiment mal anticipé, le regroupement des forces indiennes. En répartissant ses troupes, Custer, bien que les choses soient encore controversées aujourd’hui, semble avoir réalisé une erreur tactique. Les premières troupes se trouvent bloquées et sont obligées de battre en retraite après avoir subi de lourdes pertes.
Custer est pris à son propre piège et les chefs indiens Crazy Horse, Chief Gall et Two Moons, coincent dans un étau le groupe conduit par le général lui-même. La bataille ne dure que quelques heures, en fin d’après-midi. Le général Custer, ses deux frères, et 267 soldats américains trouvent la mort dans cette expédition sans doute insuffisamment préparée.
Cette victoire emblématique sera la dernière des Amérindiens contre l’armée américaine. La question indienne sera quasiment réglée après le massacre de Wounded Knee en 1890, mais la bataille de Little Big Horn reste encore un événement essentiel de l’histoire des États-Unis d’Amérique et un traumatisme pour l’armée. C’est ce combat, cette levée de plusieurs tribus contre une armée venu s’imposer sur leur terrain, que le sculpteur sénégalais Ousmane Sow souhaitait reconstituer en une fresque magistrale.
Le résultat, et la mise en scène réalisée au sein de la forteresse de Mont-Dauphin sont particulièrement réussis et appellent au plus grand respect des peuples luttant pour leur liberté.
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