L’avenir du vignoble haut-alpin tient dans le cépage Mollard

Louis Allemand, dans les années 1950, avait établi son vignoble. Marc, son fils, l’avait pérennisé et, aujourd’hui, c’est au tour de Laetitia, petite-fille et fille des deux générations précédentes de marquer de son empreinte le domaine familial. Mais tous trois ont œuvré et œuvrent bien au-delà de leur propriété viticole familiale en se préoccupant du seul cépage frappé du sceau haut-alpin, le Mollard.

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Le Mollard est un plant de vigne endémique qui aime le ciel haut-alpin, son climat, bref, tout ce que les Hautes-Alpes peuvent offrir à ce raisin propice à un vin agréable, presque joyeux !

Longtemps, le vin sorti des pressoirs en haute et moyenne Durance fut considéré comme un « vin de soif », au degré modeste. Un « vin paysan » alors dénommé « clairet » au moment de le déguster. Désormais, la viticulture et la vinification ayant progressé à pas de géant grâce à une poignée de vignerons et faiseurs de vin passionnés, les vins des Hautes-Alpes, issus du Mollard ou d’autres cépages sélectionnés, sont appréciés à leur juste valeur et, par là même, récompensés par des médailles. La récompense suprême étant le jugement des dégustateurs et consommateurs.

Cépage Mollard
Grappe cylindro-conique, régulière, assez serrée, formée de grains ronds ; chair fine, juteuse, à saveur agréable.

Pérenniser le cépage local

Certes, le vignoble haut-alpin est un timbre-poste sur la surface viticole hexagonale. Moins de 200 hectares, y compris des parcelles de vignerons amateurs disséminés le long de la Durance. Aujourd’hui devenu un étendard de l’agriculture départementale, le vignoble haut-alpin nécessite une action de développement durable. Cela passe par la sauvegarde du cépage local, le fameux Mollard.

Louis Allemand en avait préservé la présence dans quelques-unes de ses parcelles ; Marc s’est donné pour tâche de le pérenniser dans une action visant à le sauver de l’abandon et de l’oubli avec le concours de l’Institut français de la vigne et du domaine de l’Espiguette, au Grau-du-Roi. « Deux individus, c’est-à-dire deux pieds, avaient été sélectionnés et clonés pour établir une vigne mère ; de nouveaux greffons sont nés, qui ont été multipliés en pépinière pour planter de nouvelles parcelles aujourd’hui en rendement », détaille Laetitia.

Une nouvelle étape survient à compter du 20 septembre 2022. Katia Girardon et Baptiste Monfort, des pépinières Lilian Bérillon, situées à Jonquières (Vaucluse), ont arpenté une vigne de 1,10 hectare pour repérer les plus beaux spécimens de Mollard. À proximité immédiate du clocher de Remollon, le clos appartenant à Bernard Allard-Latour et désormais exploité par la famille Allemand, ressemble à s’y méprendre à un clos bourguignon.

Derrière un haut mur, plusieurs milliers de pieds de vigne sont chargés de belles grappes prêtes à être vendangées. « Nous avons attendu la venue de Katia et de Baptiste », précise Laetitia. D’ici peu, la vendange sera effectuée manuellement car le domaine est en opération de conversion bio.

La justification de l’observation de la parcelle tient en deux mots : sauvegarde et diversité. Pour le premier, les hommes de la famille, Louis et Marc, y ont largement contribué durant plusieurs décennies. Pour le second, la décennie qui se profile sera à la charge de la fille.

Cépage Mollard
Katia Girardon en pleine observation des grappes et du feuillage.

Des pieds vigoureux et sains

Tous trois ont la passion de la vigne et du vin, cela est aisé à comprendre. Et c’est le moment pour Katia Girardon et Baptiste Monfort d’entrer en scène. « Nous observons physiquement tous les pieds de vigne ; il y en a entre cinq et six mille. Les plus caractéristiques du cépage, les plus beaux, ceux qui apparaissent en bon état sanitaire, nous les marquons. Nous reviendrons l’année prochaine pour confirmer nos premières constatations et, peut-être, en retirerons-nous une partie. Nous reviendrons l’année suivante pour la troisième fois car nous aurons besoin de certitudes cette fois-ci. Et nous retiendrons ainsi notre sélection en vue de leur clonage et des futurs greffons pour les futures plantations », décrivent les deux experts en pépinière viticole.

Une étape complémentaire surviendra, celle des analyses sanitaires. Il s’agira notamment de vérifier qu’aucune maladie dissimulée n’affecte les 40 plants ayant passé l’examen avec succès. « À l’œil, nous voyons des pieds vigoureux et sains sur ce clos », attestent-ils. Les conditions climatiques, marquées par la chaleur et la sécheresse, laissent entrevoir une récolte de grande qualité. Cette vigne est en partie composée de ceps centenaires, de ceux capables d’aller chercher leur nourriture profondément dans le sol.

Laetitia conclut cette visite : « Deux parcelles, dont celle-ci, sont particulièrement intéressantes pour notre expérimentation qui nécessite donc trois années de repérage, puis quasiment autant pour obtenir les autorisations des instances publiques, mettre en œuvre l’expérience et, enfin, planter les nouveaux greffons et envisager les premières grappes à la troisième feuille ». Soit, la troisième année. Ainsi, au fil de quelques décennies, le cépage Mollard se verra conforté par une diversité propre à envisager une longue vie méritante de grappes et de jus fermenté, bichonné et mis en bouteille. Les palais en frémissent déjà d’aise.

Maurice Fortoul

EA 419
L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin.fr

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