Les Tunisiens approuvent la nouvelle constitution par référendum

Le "oui" est finalement sorti vainqueur des urnes, mais, malgré l'enjeu, le référendum tunisien sur la nouvelle constitution n'a enregistré un taux de participation de seulement 27,54%.

Economie

Le « oui » est finalement sorti vainqueur des urnes. Malgré l’enjeu, le référendum tunisien sur la nouvelle constitution (dix chapitres et 142 articles) n’a cependant pas déplacé les foules. L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) évalue le taux de participation à ce scrutin du 25 juillet 2022 à 27,54%. Seuls 2,45 millions des 8,92 millions inscrits sur les listes électorales sont venus déposer un bulletin dans l’urne selon Farouk Bouasker, président de l’ISIE.

L’institut de sondage Sigma Conseil estimait, au sortir des bureaux de vote, que plus de 90% d’entre eux avaient approuvé le texte soumis par leur Président Kaïs Saïed. Mardi 26 juillet 2022, il affinait à 92,3% de « oui » le résultat. L’ISIE devait dévoilé le chiffre officiel mardi 26 juillet 2022 en fin de journée. Il n’était cependant toujours pas encore disponible à l’heure où nous bouclions notre article.

Ils étaient 2,77 millions votants lors de la Présidentielle d’octobre 2019. Les législatives du même mois avaient connu un taux de participation de 41,3% (68% lors de celles de 2014).

Cette abstention détonne alors que les Tunisiens étaient appelés à s’exprimer pour la première fois depuis la prise des pleins pouvoirs de Kaïs Saïed en juillet 2021. Et, qui plus est, sur une nouvelle loi fondamentale destinée à tracer l’avenir du pays. Une constitution « pour établir une nouvelle République fondée sur la vraie liberté, la vraie justice et la dignité nationale« , indiquait le Président lundi 25 juillet 2022 au matin.

Kaïs Saïed va pouvoir poursuivre sa feuille de route

La désaffection des urnes s’explique par un désintérêt de la population pour la politique. Elle s’est lassée d’attendre désespérément, selon ses aspirations qui avaient conduit à la révolution de 2011, une amélioration des conditions sociales et économiques. Autre raison, les consignes de boycott données par plusieurs partis de l’opposition.
S’il demeure difficile de faire la part des choses entre les deux, le constat est lui clair. Avec une abstention de plus de de 70%, le « oui » obtenu présente bien peu de crédit, alors que Kaïs Saïed espérait de ce référendum un plébiscite sur son action.

Loin d’une carte blanche, le président élu en octobre 2019 avec 72,71% de suffrages va devoir prendre en compte toutes les données de ce résultat. La présidentielle avait enregistré des taux de participation allant de 43,5% à Sidi Bouzid (ville où a débuté la révolution en décembre 2010) à 65,7% à Ben Arous (sud de Tunis). L’effritement de ses soutiens est patent.

Reste que ce vote l’autorise à poursuivre sa feuille de route – qu’il présente comme « une correction de cap » – car, aucun quorum n’avait été défini. Après la mise en place de la nouvelle constitution, qui va remplacer l’ancienne datant de 2014 et de l’après-révolution, son nouveau chantier consiste à réussir les législatives. Cette élection est prévue le 17 décembre 2022 selon un nouveau mode de scrutin justement défini par la constitution de 2022.

Elle interviendra alors que l’unique assemblée nationale (Assemblée des Représentants du Peuple – ARP) a été suspendue depuis un an avant d’être tout simplement dissoute par Kaïs Saïed. « Les Tunisiens ont été déçus par l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais le prochain Parlement reflètera leur volonté avec sincérité et authenticité, contrairement à ce qui s’est passé lors des décennies écoulées« , assurait le Président de la République, le 10 avril 2022.

Le Parlement va compter deux assemblées

Deux assemblées vont coexister: l’ARP et l’Assemblée nationale des régions. Selon les propres mots de Sadok Belaïd, auteur du texte de la nouvelle constitution – avant qu’il ne soit, à sa grande désapprobation, amendé par Kaïs Saïed – cette loi fondamentale « minore le pouvoir législatif, accroît d’une façon démagogique les pouvoirs du président de la République et soumet le système judiciaire à sa volonté« .

Ce n’est pas le seul reproche fait à la nouvelle constitution. Le collectif civil pour la défense de la liberté, de la dignité et de la justice sociale (incluant le Syndicat des journalistes tunisiens et le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux) voient dans ce texte une menace contre la démocratie et notamment sur la liberté des médias.

La Commission internationale de juristes (CIJ), basée à Genève, a indiqué que ce texte ramènerait la Tunisie à un régime « autocratique » en permettant au Président de la République de concentrer les pouvoirs judiciaire et législatif. Il pourra en effet révoquer le chef du gouvernement sans avoir à se justifier, même pas auprès du Parlement, proposer des projets de loi au Parlement qui devrait les examiner en priorité, entériner les lois…

Bref, le régime sera indiscutablement présidentiel. Sadok Belaïd critique notamment l’article sur « le péril imminent », qui donne au Président « des pouvoirs très larges, dans des conditions qu’il détermine seul, ce qui pourrait ouvrir la voie à un régime dictatorial. »

L’opposition évoque des chiffres de participation « falsifiés »

Plusieurs incidents ont été enregistrés ce lundi 25 juillet 2025. Sami Ben Slama, membre de l’ISIE, a ainsi été interdit d’accès, par son instance, au Palais des Congrès de Tunis qui accueille le Centre d’information de l’ISIE. « Aucune personne ne sera autorisée à perturber le processus de référendum« , déclarait sobrement Farouk Bouasker.

Les opposants à Kaïs Saïed ont également protesté auprès de l’ISIE et de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) après une intervention du Président, sur la nouvelle constitution, à la télévision nationale le matin des élections alors qu’il quittait son bureau de vote. L’ISIE promettait un examen de cette supposée violation du silence électoral avant l’annonce des résultats définitifs.

Mardi 26 juillet 2022, le Front du Salut National (FSN), coalition de partis d’opposition, a accusé, avant la publication des résultats officiels, l’ISI d’avoir « falsifié » les chiffres sur les taux de participation. « Les chiffres sont amplifiés et ne correspondent pas à ce que nous avons constaté dans les régions par des observateurs« , indique Ahmed Néjib Chebbi.

Selon le dirigeant du FSN, le « non » l’a emporté et « 75% des électeurs ont refusé de voter », ceci montre « l’échec du coup d’Etat » du Président. « La seule référence de la légitimité dans le pays est la Constitution de 2014 et Kaïs Saïed doit ouvrir la voie à des élections générales présidentielle et législatives« , poursuit-il. Le FSN appelle donc le Président à quitter son poste.

cet article vous a plu ?

Donnez nous votre avis

Average rating / 5. Vote count:

No votes so far! Be the first to rate this post.

Partagez vos commentaires.