Pour la transhumance, Vincent a remis ses pas dans ceux des anciens

Le berger varois Vincent Salabura fait transhumer ses 500 brebis jusqu'en Ubaye. Un trajet qu’il effectue à pied depuis deux ans. Une pratique qui rend hommage aux anciens, pour qui il n'existait pas l'alternative camion.

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Treize jours ! Il faut treize jours de marche à Vincent Salabura et à ses brebis pour se rendre à Méolans, en Ubaye, depuis Rocbaron, dans le Var. Berger depuis 15 ans, il a décidé de reprendre la route à pied avec son troupeau et son épouse – qui travaille avec lui – à l’issue du premier confinement. « Tous les ans, je me disais que c’était quand même un gros coup de stress pour les brebis. Elles passent de 40° C ici à la neige quand elles arrivent, explique-t-il, soulignant que les trajets en camion ne sont pas idéaux pour les conditions sanitaires. Petit à petit, l’idée de transhumer à pied a germé, d’autant que durant le trajet, cela économise mes prés de fauche. Quand on est limite, ce n’est pas négligeable ! Au moment du déconfinement; en 2020, il n’y avait personne sur les routes, notre petit n’était pas à l’école, donc nous nous sommes lancés. »

Une aventure unique

Ces aspects pratiques s’ajoutent à la joie de parcourir ces 198 km avec la famille et les amis. « On vit différemment, il y a une réelle solidarité. Pourtant, nous ne dormons pas beaucoup. C’est difficile physiquement et mentalement. Certains passages de cols sont de vrais défis. Chez nous, tout se passe très bien, raconte-t-il. C’est vraiment une aventure unique. J’ai des frissons quand je passe à certains endroits et que je réalise que je prends des sentiers ancestraux où les moutons passent depuis des siècles. »

Vincent Salabura et son troupeau parcourent 198 km en 13 jours ; parfois sur la route, parfois sur des chemins empruntés par les troupeaux depuis des siècles.
Vincent Salabura et son troupeau parcourent 198 km en 13 jours ; parfois sur la route, parfois sur des chemins empruntés par les troupeaux depuis des siècles.

Une osmose parfaite

S’il loue les qualités de ses compagnons de voyage humains, il ne tarit pas non plus d’éloge sur ses brebis. « Elles sont braves, elles marchent au milieu des voitures au début du trajet qui est assez urbain, puis elles traversent des rivières… Elles prennent très vite le rythme. Il leur faut un ou deux jours pour se mettre au carré et après, ça va tout seul. Elles ne dévient même plus pour aller brouter, parce qu’elles savent qu’au bout du chemin, elles auront à manger. On les sent prêtes à nous suivre au bout du monde », s’émeut-il.

Pour rejoindre l’Ubaye, Vincent Salabura « tire tout droit. » Avant de se lancer, il fait un repérage pour trouver des lieux de repos et de pâturage pour la durée du trajet. Il confie avoir toujours été très bien accueilli et que son statut de transhumant lui a toujours valu chaleur et bienveillance de la part des riverains. Il s’est également rendu compte, lors de sa prospection, que de nombreuses haltes ancestrales de transhumance existaient encore.

Un chemin entre routes et drailles anciennes

Ils empruntent majoritairement des routes goudronnées, mais également une partie de la Routo et des drailles anciennes. Ils marchent sept à dix kilomètres par jour, plutôt le matin tôt et le soir pour éviter la chaleur et l’affluence sur les routes, histoire de déranger le moins possible les automobilistes. Pour l’eau, pas de problèmes, car ses bêtes vivent toute l’année dehors et ont donc l’habitude de ne pas boire tous les jours. « Cette année, j’ai un peu hésité à prendre une citerne, mais finalement je ne l’ai pas fait et je ne l’ai pas regretté, car je n’en aurais pas eu besoin », avoue Vincent.

Convaincu par cette « nouvelle » méthode, il n’envisage pas d’en changer, tant il aime cette période de la vie de son élevage, qui lui permet d’être 24 h/24 avec ses brebis et de savourer « l’osmose » qui se créé avec elles, mais également avec les chiens et les hommes.

Alexandra Gelber

EA415
L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin.fr

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