« Tout est bon dans le cochon », dit l’adage. Mais il est toujours possible de faire mieux que bon. C’est en tout cas ce que pensent les éleveurs de porcs haut-alpins membres de la Sica Le Montagnard des Alpes. Et ils ne mégotent pas sur leur envie d’aboutir à un produit exceptionnel qui fait l’objet, en ce moment-même, d’une expérimentation sans précédent. Plusieurs dizaines de jambons subissent en effet un séchage en altitude, dans un chalet d’Orcières planté à 2 300 mètres. Selon les experts, il s’agirait de l’environnement idéal pour que ces jambons maturent de façon optimale et se transforment lentement en un produit d’exception.
Un casting à la pointe de la technologie
Cette expérience est menée conjointement par la Maison régionale de l’élevage, l’abattoir de Gap, l’Institut du porc (IFIP), la Sica le Montagnard des Alpes et la commune d’Orcières. Le processus a débuté en mars 2020 avec l’abattage des bêtes et la sélection des carcasses, étape cruciale pour la réussite du projet. Cette sélection s’est opérée de façon on ne peut plus sérieuse, puisque les jambons ont été scannés afin d’apprécier très précisément leur qualité, au-delà de leur apparence.
Pour les spécialistes avertis, on notera que les porcs sélectionnés étaient de race Pietrain et Duroc. L’Institut du porc a également joué un rôle majeur dans cette opération et sa mise en oeuvre, comme il a été loisible de le découvrir lors de la rencontre qui a réuni l’ensemble des acteurs du projet pour un premier bilan in situ.
Autre étape fondamentale de la fabrication d’un jambon d’excellence, le salage a fait l’objet d’une attention très particulière. « Le sel doit migrer de façon harmonieuse dans le jambon », explique Thierry Lhommeau, de l’Institut du porc. Le parage du jambon à l’abattoir est également très important. « Le parer comme un diamant », dit-t-on ainsi à Parme.
Choisir la solution la plus efficace
S’agissant d’une expérimentation, plusieurs façons de faire sont admises, avec l’idée de retenir celle qui produira la meilleur produit. C’est, en substance, ce que suggère Denis Eyraud, vice-président de la Sica Le Montagnard des Alpes. Races différentes, poids, couleur, salage, durée de séchage… autant de critères observés à la loupe pour déterminer la méthode la mieux adaptée.
Les jambons ont été acheminés dans le chalet d’altitude en juillet dernier. Une dégustation en novembre a fourni de précieuses indications. Il s’agissait notamment de répondre à la question « la technologie retenue a-t-elle permis d’amener à maturité, ou pas, les trois variétés de jambon ? »
Une production limitée pour un jambon d’exception
La prochaine dégustation concernera un jambon traité au sel ou au sel et moutarde, puisque les deux pratiques sont évaluées. Pourquoi la moutarde ? « Parce que des Champsaurins émigrés en Amérique du sud au XIXe siècle ont ramené cet usage de la moutarde pour la salaison », précise Patrick Ricou, le maire, et Denis Eyraud. Ce dernier se félicite d’ailleurs que « ce projet fédère tous les acteurs de la filière. »
Deux ou trois années sont encore nécessaires avant de mettre sur le marché un jambon de qualité exceptionnelle qui doit faire briller la qualité haut-alpine au niveau national. L’idée n’est certes pas d’inonder le marché, puisque la production sera nécessairement limitée à quelques centaines de jambons chaque année. Si l’expérience s’avère concluante, Denis Eyraud annonce que « nous solliciterons une IGP et AOP », histoire d’ancrer un peu plus ce produit dans les hautes sphères de la gastronomie. Et outre son goût, c’est sa rareté qui fera sa réputation.
Maurice Fortoul
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