Eric François, l’homme qui a dompté le génépi

Pionnier de la culture de cette plante aromatique très recherchée, Eric François a réussi à l'acclimater aux basses altitudes, alors que le génépi pousse habituellement au dessus de 2000 mètres. Pour le plus grand plaisir de ses amateurs...

société

Il a l’apparence tranquille de celui qui a réussi là où tant d’autres ont échoué. Originaire de région parisienne, Eric François est en effet parvenu à maîtriser la culture du génépi, un exploit dont rêvaient nombre de montagnards depuis des lustres. Cette armoise d’alti­tude était jusqu’à présent une plante sauvage difficile à dénicher en dessous de 2000 mètres d’altitude.

Certes, tout cueilleur vous dira éprouver le plaisir de l’effort physique pour atteindre les sites perchés et la récompense que constitue la contem­plation de la nature. Mais les res­trictions liées à la cueillette – 100 brins par personne maximum – sont un frein à une cueillette autrefois bien plus aisée. Alors, le génépi cultivé est devenu une aubaine pour les amateurs avertis de cette plante, même si l’affaire ne s’est pas faite en un jour.

Éric François est arrivé dans les Hautes-Alpes, plus précisément dans l’Embrunais, au début des années 1980, un diplôme d’ingé­nieur agricole en poche. À ce moment-là, il ne sait pas encore que le « gépéto », terme populaire, sera son Graal et hantera nombre de ses nuits. « Pendant deux ans, j’ai exercé en qualité d’ingénieur conseil sur la pêche avec la Direction dépar­tementale de l’Agriculture, raconte-t-il.  Dans la foulée, j’ai travaillé pour le parc national des Écrins et le Sivom de l’Ubaye sur les plantes alpines ». C’est alors qu’il se penche sur celle qui deviendra son obsession. « J’ai effectué une pre­mière étude sur le génépi, se souvient-il, expliquant que les Italiens avaient fait un essai, car la cueillette était déjà interdite sur leur terri­toire ».

Une plante exigeante

Au milieu des années 1980, le néo Haut-Alpin qui se lance. Il s’installe à Châteauroux-les-Alpes et prends le statut d’agriculteur en 1984. « Je me destine aux plantes alpines et fleurs de montagne, explique-t-il, car je me rends compte qu’il existe une réelle demande sur le génépi, notamment chez les liquoristes, et que cette culture demande peu de matériel. Je procède donc à ma première culture sur la commune de Saint-André-d’Embrun. Mais, rapidement, je constate que l’al­titude est trop faible ».

Eric François récoltant ses plantes

Habituée à vivre au-dessus de 2 000 m d’altitude (son habitat de prédilection se situe entre 2 500 et 3 000 m), les 1 000 m de Saint-André-d’Embrun ne sont pas du tout favorables. Il y a bien une germination après semis, mais la plante ne se développe pas suffisamment ensuite. « En bas, la fréquence des épisodes de gel et de dégel est trop impor­tante, détaille-t-il. Il n’empêche; Eric François persévère et acquiert un réel savoir-faire aujourd’hui reconnu, comme en attestent les conseils qu’il dispense à des por­teurs de projets désireux de suivre sa voie dans d’autres vallées haut-alpines et ubayennes.

Une histoire de père en fille

Le génépi ne supporte pas l’excès d’eau. À l’état sauvage, il est à l’aise dans les sols pentus et drainés, en légumes potagers, avec l’incerti­tude nettement moins présente que le génépi. « Il y a toujours des aléas, comme il y a deux ans, avec une récolte médiocre », assure Eric, avec un sourire de dépit. Bon an mal an, ce pionnier aborde l’âge de la retraite avec philosophie.

Son idée a quand même connu le suc­cès et sa fille, Émilie, prendra le relais dès l’année prochaine. La jeune fille partira avec de sérieux atouts. « Mon génépi estampillé bio voyage plus que jamais, avec une demande croissante de commandes par internet. Jusqu’aux États-Unis, au Canada… etc », se réjouit son père. De quoi passer le flambeau en douceur.

Maurice Fortoul

Espace Alpin 403
L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin

 

cet article vous a plu ?

Donnez nous votre avis

Average rating / 5. Vote count:

No votes so far! Be the first to rate this post.

Partagez vos commentaires.